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du prisme, soit par réflexion comme sur un corps opaque, sur une glace par exemple. Souvent même, lorsqu’un corps est à la fois opaque et transparent, les deux phénomènes de réflexion et de réfraction se combinent. Une feuille d’or très mince est jaune, puis, lorsqu’elle est vue par transparence, elle apparaît verte. Elle est jaune par réflexion et verte par transmission. Les expériences de Newton sur les combinaisons des couleurs sont infinies ; d’autres savans les ont continuées avec succès. Ainsi la lumière, telle qu’elle nous arrive du soleil sur la terre, toute blanche qu’elle est, se compose de rayons colorés qui peuvent se séparer, se disjoindre par la réfraction ou la réflexion. Lorsque la lumière traverse un prisme par exemple, elle est décomposée, c’est-à-dire que les rayons violets vont vers un point, les rouges vers un autre, et ainsi de suite. Les rayons sont donc, suivant les corps qu’ils frappent, différemment déviés ; de là vient cette coloration si variée des corps. Il résulte de ces lois que la lumière est nécessaire pour que nos yeux soient affectés par les couleurs. Lorsque le soleil paraît, il crée absolument la couleur des arbres, des fleurs, des moissons, de tout enfin. On en trouve la preuve en éclairant une substance par certains rayons du spectre ; dans ce cas, elle n’aura que la couleur de ces rayons et perdra celle que lui donnait la lumière composée, c’est-à-dire la lumière blanche. En été, les rayons de la lumière solaire n’ayant pas la même direction qu’en hiver et tombant perpendiculairement, les couleurs du prisme sont plus nettes, les corps mieux colorés. Il arrive ainsi qu’en Orient, sous la ligne ou bien sous le cercle polaire, les effets de couleur sont très différens, et l’on ne peut s’étonner que les peuples du nord n’aient pas, comme les peuplés du midi, l’organe de la vision sensible aux nuances. Là se trouve l’explication de notre infériorité en ce qui est de la couleur et des fréquentes aberrations de la vue qu’on remarque chez nous[1].

La couleur n’est donc pas inhérente au corps qui la présente, elle n’existe réellement que dans et par la lumière même, et elle dépend sans doute en grande partie de la texture des substances qui réfléchissent ou réfractent les rayons. Les feuilles des arbres, par exemple, décomposent la lumière, absorbent la plupart des rayons

  1. Dans le nord, bon nombre de personnes sont affectées de chromatopseudopsis, c’est-à-dire de l’incapacité de distinguer les nuances. « Cette affection, dit le professeur Wartmann dans ses mémoires scientifiques, est beaucoup moins rare qu’on ne le croit généralement ; non-seulement elle empêche de distinguer les couleurs, mais donne une appréciation imparfaite des objets. Cette affection atteint souvent les personnes qui doivent, par état, savoir distinguer les nuances. J’ai connu quatre peintres, deux papetiers, deux teinturiers, un fabricant de châles, un drapier et un émailleur, ne pouvant distinguer le vert du rouge et le bleu du vert. D’après certaines statistiques, le chiffre des personnes affectées de ce désordre serait de 1 sur 20 et de 5 sur 40. »