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C’est encore une sorte de colmatage et d’un haut intérêt pour l’agriculture, mais un colmatage naturel, qui s’opère lorsque les eaux, dans leur cours irrégulier ou par leurs vagues poussées au gré des vents, amènent ou abandonnent les alluvions des fleuves, lais ou relais de la mer, et par degrés exhaussent le sol, ouvrant ainsi de nouveaux horizons à la culture. Lorsque l’homme parvient à maintenir et consolider ces conquêtes à l’aide des endiguemens, il établit à demeure de riches cultures comme on en voit en Hollande, sur les bords de l’Escaut, où l’on désigne sous le nom de polders ces terrains conquis sur la mer ; tels sont encore les terrains émergés qui portent aujourd’hui les belles cultures des comtés de Lincoln et d’York en Angleterre. On trouve un autre exemple de colmatage, et des plus remarquables, dans la formation de la couche arable d’une portion de l’île de Noirmoutiers, renommée parmi nos populations de l’ouest pour sa fertilité extrême. Là en effet, les terrains, retenus par des endiguemens, ont conservé leur puissance végétative depuis plusieurs siècles, à la seule condition de recevoir pour tout engrais, soit, à de longs intervalles, les tangues ou sables marins incrustés de sels calcaires et définis ici même[1], soit, à des intervalles de temps plus rapprochés, les algues marines abondantes sur ces côtes, et dont nous parlerons plus tard en traitant des engrais organiques et mixtes. Déjà la France possède plusieurs autres spécimens de terres conquises par des endiguemens sur les plages maritimes ; les cultures, quoique peu étendues, que l’on a pu y établir montrent par leur végétation luxuriante que l’établissement des polders en France est, comme l’a fait remarquer dernièrement M. Hervé-Mangon au nombre des entreprises les plus intéressantes et les plus lucratives que puisse entreprendre le génie rural.

On a vu, par cet exposé rapide de ces trois grandes opérations agricoles, le drainage, les irrigations et le colmatage, quelles immenses ressources elles peuvent offrir pour développer la production agricole en assurant l’action des engrais et la fertilité du sol. Deux d’entre elles contribueront aussi à détruire dans certaines régions assujetties aux développemens spontanés des affections périodiques les causes de cette insalubrité locale. Quant aux principaux moyens de réalisation, jamais les circonstances n’ont été plus favorables qu’en ce moment, au triple point de vue de l’abondance des capitaux, du personnel nombreux et exercé de nos ingénieurs tout prêts à diriger les travaux, enfin des débouchés largement ouverts aux diverses productions de la terre par l’accroissement des voies rapides et par le mouvement récemment imprimé aux échanges internationaux.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1860.