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On voyait là des paysannes venues des villages les plus éloignés du Bas-Languedoc et de la Provence, les unes couvertes du large feutre de Montpellier, d’autres coiffées de la cagnotte des Cévennes, celles-ci portant le casaquin de Nîmes, celles-là vêtues de la grosse bure de Castres, quelques-unes abritées sous le chapeau coquet des Niçoises, mais le plus grand nombre embellies par le fin corset et le ruban des filles d’Arles. Le sable de la plage était devenu un immense hôpital où chacun campait de son mieux. Des charrettes, sur lesquelles des cerceaux supportant une toile formaient une tente comfortable et portative, indiquaient les plus riches des pèlerins.

La ville des Saintes-Maries n’est pas seulement visitée par les malades : on y rencontre une population alerte et pimpante qui apporte avec elle la joie et le plaisir. C’est la jeunesse accourue des villages bâtis sur l’autre rive du Rhône. Puis des colporteurs, promenant les éventaires les plus variés, sont échelonnés dans les rues, et pendant que les uns offrent aux dévots des médailles, des cierges ou des chapelets, d’autres tentent fillettes et garçons par des colifichets et des bijoux.

Lorsque Manidette arriva devant les Saintes-Maries, la cloche sonnait lentement la messe. Se faufilant sans peine, grâce à sa taille mignonne et souple, parmi les estropiés, Manidette arriva, son cierge en main, tout près du chœur. C’est là que s’élevait jadis l’oratoire des deux Maries. Une crypte en marque la place, tandis qu’au-dessus, dans une chapelle supérieure, est établie la châsse qui contient les reliques. Entre la crypte et la châsse se trouve le sanctuaire sur, lequel on vient de si loin s’agenouiller et prier.

Les chaînes qui retenaient la châsse se déroulant tout à coup, la relique descendit dans le chœur. Le moment des souhaits était arrivé, et tour à tour de pauvres invalides, de malheureux enfans perclus et des jeunes filles timides vinrent toucher la châsse. « Saintes Maries, exaucez mes prières ! » disaient les uns ; « saintes Maries, guérissez mon fils ! » s’écriaient les mères ; « saintes Maries, acceptez mon vœu ! » murmuraient les jeunes filles. « Assistez-nous, protégez-nous ! » répétaient en chœur de nombreux fidèles, pendant que d’autres suspendaient leurs ex-voto. Manidette avait accroché dans la chapelle des saintes le petit sachet qui contenait l’oreille de madone, et, se prosternant au pied de l’autel : « Vous qui m’avez sauvée de la mort, dit-elle en joignant les mains, recevez, avec mes actions de grâces, la confidence de mon cœur. J’aime Bamboche le gardian, et je jure sur vos cendres de lui être fidèle ! » Elle resta quelque temps recueillie, puis, relevant la tête : « Maintenant que je sois damnée si je manque à mon serment ! » reprit-elle avec exaltation. Elle se releva. Ses yeux s’étant habitués au demi-jour de la