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LE GARDIAN
DE LA CAMARGUE
SOUVENIRS DES MAREMMES DU RHÔNE


I

À l’embouchure du Rhône et dessinée par les sinuosités du fleuve, s’étend une région célèbre dans tout le midi pour la sauvage étrangeté de ses aspects : c’est la Camargue. Avant d’y conduire le lecteur et de lui faire connaître les habitans par un épisode tiré de leur vie même, on nous permettra de dire quelques mots du théâtre où s’est passée la simple histoire que nous voulons raconter. Ici comme dans certaines terres vierges, la nature et l’homme sont unis par des liens dont on comprendrait mal la puissance, si la description ne venait compléter le récit.

Ce pays n’a pas toujours été abandonné à cette sorte d’état sauvage dont le spectacle nous étonne en pleine civilisation. Da belles et actives cités s’y élevèrent ; les Saintes-Maries, Aigues-Mortes, jouirent longtemps du mouvement et de la prospérité d’un véritable port de mer. Bientôt cependant les inondations et les atterrissemens du Rhône vinrent changer les conditions de la contrée et ruiner à la fois son agriculture, son commerce et son industrie. Touchant au terme de son cours, non moins bizarre et désordonné que celui du Nil, le grand fleuve venu des Alpes charrie des débris d’origine diverse, qu’il abandonne sur le sol riverain avant de disparaître dans la mer. Ces débris, qui, enlevés souvent aux montagnes de la Suisse, ont traversé les calmes eaux du lac de Genève, puis les gouffres du Dauphiné, viennent s’amonceler près de la Méditerranée avec les détritus