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ou flamands que la Flandre ou l’Italie. Il lui ouvrit les collections royales, lui procura des travaux lucratifs, ne lui refusa ni les secours ni les conseils. Après deux ans d’études assidues, Murillo revint à Séville. Ni l’amitié de Velasquez, ni les espérances de fortune que lui offrait Madrid ne retinrent l’enfant de l’Andalousie. La triste capitale fondée par Philippe II, ses environs désolés, son ciel rigoureux, ne servaient qu’à lui faire regretter plus vivement le climat enchanteur de sa patrie, ses jardins dignes de l’Orient, les promenades du Guadalquivir, les monumens qui étaient les titres de noblesse de Séville, et surtout la vie facile, enjouée, qui rendait douce même la misère. Murillo eut surtout la sagesse de reconnaître qu’il ne serait qu’un artiste de second ordre à côté de Velasquez, tandis qu’au milieu de ses compatriotes il tiendrait le premier rang.

En effet, dès son retour il entreprit de peindre pour le couvent de San-Francisco onze tableaux dont personne ne consentait à se charger, parce que la confrérie n’offrait qu’un prix modique ; il obtint un tel succès qu’aussitôt les peintres les plus goûtés du temps, Herrera le Jeune et Valdès Leal, furent dédaignés. Ce fut un concert unanime de louanges et une abondance singulière de commandes. Il n’eut qu’à choisir parmi les travaux qui se présentaient. Dès lors il connut l’aisance, la célébrité, et pendant trente-sept ans les églises, les monastères, les palais de la noblesse, les maisons des riches particuliers s’emplirent de ses œuvres. Trois ans après son retour de Madrid, en 1648, il épousa une noble dame de Pilar, dona Beatrix Cabrera y Soto-Mayor. Elle avait du bien, et lui donna trois enfans. Le reste de sa vie fut sans nuage, car ni son bonheur, ni sa popularité, ni son talent ne se démentirent. En 1660, se souvenant peut-être des épreuves qui avaient entouré ses débuts et voulant assurer à ses successeurs les secours qui lui avaient manqué, il fonda une académie de peinture. L’état ne fut pour rien dans cette institution, que la générosité des peintres soutint seule. Murillo y donnait régulièrement ses leçons, posant lui-même les modèles. Il mourut en 1682 des suites d’une chute. En peignant chez les capucins de Cadix son Mariage de sainte Catherine, il était tombé du haut d’un échafaudage. Forcé de revenir à Séville, il languit quelque temps, expira le 3 avril, et fut enterré dans l’église de Santa-Cruz, où il avait coutume de faire ses dévotions.

Murillo est aujourd’hui en France l’objet d’un certain engouement. Les tableaux rapportés d’Espagne après les guerres de l’empire, les collections formées par le roi Louis-Philippe, par M. Aguado et d’autres particuliers, ont attiré l’attention sur l’école espagnole, jusqu’alors peu connue. Les tableaux de Velasquez manquaient