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de chercher par quel côté Las Roelas trahit le caractère andalou. Il n’est qu’un imitateur et le représentant le plus louable de l’influence italienne.

Francisco Pacheco, qui croyait suivre Raphaël parce qu’il avait en sa possession un dessin au lavis de ce grand maître, n’était qu’un poète ingénieux et un critique. Quoiqu’il ait peint beaucoup, les Espagnols eux-mêmes avouent que ses conseils valaient mieux que ses tableaux, et qu’il était plus propre à raisonner sur les belles choses qu’à les créer. Armé d’une stérile correction, méthodique, bel esprit, il eut de son vivant une grande réputation, parce qu’il était riche, hospitalier, aimable. Il attirait autour de lui les jeunes artistes, et leur prodiguait des leçons plus goûtées que fécondes. Nous avons vu que Velasquez s’en trouva si mal satisfait qu’il chercha d’autres professeurs, tout en devenant son gendre. Ce que Pacheco a laissé de curieux, c’est son livre intitulé Arte de la Pintura. C’est un érudit, et l’érudition n’a point de patrie.

Au contraire, Herrera et Zurbaran, natures indépendantes parce qu’elles étaient plus vigoureuses, nous frappent par quelques traits qui ont la saveur du terroir. Francisco de Herrera, dit le Vieux, pour le distinguer de ses fils, était âpre, brutal, insociable ; il mit en fuite par ses violences ses élèves et ses propres enfans. On comprend qu’un tel homme n’avait dû accepter ni le joug de l’enseignement, ni la méthode, ni l’imitation des étrangers. Il porta dans la peinture une audace insolente qui lui tint lieu de style, une fureur de pinceau qui le fit coloriste, une trivialité diabolique qui constitua sa principale originalité. Ses compatriotes racontent plaisamment qu’il faisait préparer ses toiles par sa servante, et qu’elle y étendait les couleurs à coups de balai. Il est vrai qu’ils le comparent ensuite à Michel-Ange, dont il n’est que la caricature. L’Apothéose de saint Herménégilde et le Jugement dernier, qui fut composé pour la paroisse de San-Bernardo à Séville, sont ses meilleures productions. C’est sans doute ce Jugement dernier qui a motivé un rapprochement ridicule avec le peintre de la chapelle Sixtine. J’ai parlé de la mollesse andalouse, dont Murillo nous offre le reflet, et cependant je ne craindrai pas d’ajouter que Herrera exprime l’emportement de la race et une certaine barbarie qui se cache sous des habitudes douces, car on sait que la nature humaine est complexe, que l’indolence des habitans du midi recouvre un feu prompt à jaillir, que les passions sont parfois chez eux frénétiques, la vengeance implacable, le meurtre fréquent. Les danses et les guitares n’empêchent point le voyageur qui parcourt l’Andalousie de remarquer que les esprits ne haïssent point ce qui est trivial, ni les bouches ce qui est grossier. Enfin personne n’ignore que c’est à Séville que