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avait étudié à Rome dans l’atelier de Perino del Vaga ; Pedro de Villegas Marmolejo (né en 1520) avait, dit-on, visité l’Italie ; Cespedès de Cordoue (né en 1538) avait travaillé avec les élèves de Michel-Ange. Ils rapportèrent, sinon les principes, du moins les procédés qui manquaient à leur pays ; mais ils ne rapportèrent ni un talent propre à entraîner leurs contemporains, ni une autorité capable de leur imposer cette unité d’enseignement qui fait les grandes écoles. Ce qui reste des fresques de Luis de Vargas dans la cathédrale de Séville, son Saint Christophe notamment, nous montre qu’il n’était, auprès des Italiens, qu’un honorable écolier. En même temps des peintres flamands qui vinrent s’établir à Séville, Pierre de Champagne et François Fruttet, offraient deux appâts nouveaux : le coloris, qui devait ravir une race portée vers ce qui est éclatant, et le réalisme, auquel les esprits étaient disposés par la richesse et l’habitude des puissances. De ces influences opposées naquit, non pas la lutte, mais un mélange assez confus, dont les peintres andalous ne cherchèrent point à sortir. L’indifférence est douce à pratiquer, tandis que la conviction ne s’acquiert que par un difficile effort. Chaque artiste, selon sa préférence, le plus souvent au gré du hasard qui lui offrait un professeur, se trouvait plus près ou plus loin des écoles italienne ou flamande. Même entre le maître et l’élève les traits de ressemblance sont si rares, la tradition est si faible, qu’il est clair que la plupart des jeunes peintres se hâtaient d’apprendre un métier afin de gagner leur vie. La foire ou feria de Séville, dont il sera question plus loin, encourageait la médiocrité et récompensait les impatiens encore mieux que nos expositions. C’est ainsi que l’art devient une industrie ; à parler juste, ce ne fut guère autre chose à Séville. Cependant, sur la foule des faiseurs, quatre figures se détachent, qui ont mérité l’attention de la postérité, et que j’appellerai plus particulièrement les prédécesseurs de Murillo : ce sont Las Roelas, Pacheco, Herrera et Zurbaran.

Le licencié Juan de Las Roelas, né vers 1560, étudia en Italie. Malgré le silence des biographes, ses œuvres dénotent que ce fut à l’école vénitienne et non pas à l’école romaine qu’il s’attacha. Bien supérieur à Luis de Vargas et à Cespedès, il ne peut être jugé qu’à Séville, parce que là sont restés ses principaux tableaux. Je n’irai pas aussi loin que Céan Bermudez, qui le place à côté des Palma et du Tintoret ; mais il est impossible de ne pas regarder avec une estime sérieuse la Bataille de Clavijo, qui est à la cathédrale, et le retable qui surmonte le maître-autel de San-Isi-doro. Ce vaste tableau, qui représente la Mort de saint Isidore, archevêque de Séville, est composé avec une aisance et dessiné avec une noblesse qu’ignorent les peintres espagnols. Aussi est-il inutile