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commerce occidental, cette douane est actuellement surveillée et dirigée par des fonctionnaires européens au service du gouvernement chinois. L’idée d’un tel arrangement est due à lord Elgin ; le gouvernement chinois en parait fort satisfait, mais les commerçans étrangers ne le sont point. Le hasard a voulu que les meilleures places dans le nouvel établissement aient été données à des protégés de lord Elgin, à des amis et parens des membres des légations française et américaine. C’est à cette circonstance que j’attribue l’esprit d’hostilité qui dès le principe s’est établi entre les officiers de la douane et la communauté étrangère ; mais depuis lors cette antipathie est allée toujours croissant, elle, a même dégénéré en guerre ouverte. Il y a quelques semaines, deux officiers de la douane de Shang-haï ont été condamnés chacun à 500 dollars d’amende pour avoir insulté M. Meadows, le consul anglais. Dernièrement le journal de Hong-kong, le Daily Press, qui, dans toutes les discussions locales, se trouve toujours au plus fort du feu, appelait les douaniers des « chiens mercenaires » (mercenary hounds), et accusait leur protecteur lord Elgin de s’être vendu au gouvernement chinois (bribery and corruption). M. Moreau, le rédacteur du Daily Press, est un homme terrible. Rien ne l’arrête, menaces, amendes, prison : il va toujours de l’avant ! Les gouverneurs, les missionnaires, les ambassadeurs, les marchands, l’armée et la marine, il n’épargne rien ni personne. Il faut dire cependant qu’il n’est pas le seul à élever la voix contre le système de lord Elgin. Au contraire ce système est condamné à l’unanimité par les communautés marchandes des divers ports de la Chine.

Ainsi aux prises avec les rebelles et les brigands dans l’intérieur et avec les officiers de douane dans les ports, les commerçans de Chine sont d’assez mauvaise humeur, et il faut avouer qu’ils ont quelque raison de se plaindre. Le séjour en Chine n’est pas bien agréable, et on ne consent généralement à y rester qu’à la condition d’être largement payé pour sa peine. Or on ne l’est nullement en ce moment, bien au contraire. Beaucoup de commerçans paient cher l’honneur de soutenir leur réputation de négocians à grandes affaires au milieu de toutes ces difficultés, que nous avons jugé utile d’exposer, parce qu’elles caractérisent la situation actuelle de la Chine.


RODOLPHE LINDAU.


Athènes, décrite et dessinée par H. Ernest Breton.[1]

Athènes attire depuis un siècle l’attention des voyageurs et des savans ; elle les occupera encore plus d’un siècle. Beaucoup l’ont décrite, beaucoup la décriront de nouveau, non-seulement parce que les découvertes, fortuites ou cherchées, régénèrent le sujet, mais parce que le point de vue, l’intérêt, le goût, se modifient avec chaque génération. Stuart, Revett et les architectes érudits du XVIIIe siècle, qui dessinaient les ruines de la Grèce, ne les considéraient pas du même œil que Blouet et Cockerell au moment de l’affranchissement des Hellènes. Depuis trente ans, le sentiment avec lequel les modernes contemplent les chefs-d’œuvre grecs s’est également modifié, parce que la science a pénétré plus avant et parce que l’art s’est mieux assimilé

  1. Un vol. grand in-8o, avec planches, gravures et vignettes, chre Gide.