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— C’est au commandant Hullin que j’ai l’honneur de m’adresser ? demanda le parlementaire en bon français.

— Oui, monsieur, répondit Jean-Claude. — Et comme l’autre promenait un regard indécis autour du cercle : Parlez haut, monsieur, s’écria-t-il, que tout le monde vous entende ! Lorsqu’il s’agit d’honneur et de patrie, personne n’est de trop en France, les femmes s’y entendent aussi bien que nous. Vous avez des propositions à me faire ? Et d’abord de quelle part ?

— De la part du général commandant en chef. Voici ma commission.

— Bon ! Nous vous écoutons, monsieur.

Alors l’officier, élevant la voix, dit d’un ton ferme : — Permettez-moi d’abord, commandant, de vous dire que vous avez magnifiquement rempli votre devoir. Vous avez forcé l’estime de vos ennemis.

— En matière de devoir, dit Hullin, il n’y a pas de plus ou de moins ; nous avons fait notre possible.

— Oui, ajouta Catherine d’un ton sec, et puisque nos ennemis nous estiment à cause de cela, eh bien ! ils nous estimeront encore plus dans huit ou quinze jours, car nous ne sommes pas au bout de la guerre. On en verra bien d’autres.

L’officier tourna la tête et resta comme stupéfait de l’énergie sauvage empreinte dans le regard de la vieille femme. — Ce sont de nobles sentimens, reprit-il après un instant de silence ; mais l’humanité a ses droits, et répandre le sang inutilement, c’est faire le mal pour le mal.

— Alors pourquoi venez-vous dans notre pays ? cria Catherine d’une voix d’aigle. Allez-vous-en, et nous vous laisserons tranquilles ! — Puis elle ajouta : — Vous faites la guerre comme des brigands : Vous volez, vous pillez, vous brûlez ! Vous méritez tous d’être pendus… On devrait vous précipiter de cette roche pour le bon exemple.

— Je sais, répliqua l’officier, qu’on a mis le feu à la ferme qui se voit en face de ce rocher. Ce sont les hulans, des pillards comme il s’en trouve à la suite de toutes les armées ; mais ce fait isolé ne prouve rien contre nous, il sera puni sévèrement, et le général ne manquera pas, j’en suis convaincu, d’accorder une indemnité…

— Je ne veux rien de vous, interrompit Catherine brusquement.

Le parlementaire comprit que la vieille femme ne lui céderait pas un pouce sur quoi que ce soit, et qu’il était même dangereux de lui donner la réplique. Il se retourna donc vers Hullin et lui dit : — Je suis chargé, commandant, de vous offrir les honneurs de la guerre, si vous consentez à rendre cette position. Vous n’avez point de vivres, nous le savons. D’ici à quelques jours, vous seriez forcés de mettre bas les armes. L’estime que vous porte le général en chef