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prend au hasard une peinture religieuse, s’enfuit dans la montagne, et vit en ermite sous un rocher, mangeant des dattes et des racines ; il s’abandonne à Dieu et meurt dans son ermitage. Le tableau disparaît avec lui. Ainsi se perdent des chefs-d’œuvre byzantins.

Pour avoir quelques notions sur l’histoire de la péninsule du Sinaï, il faut comparer les travaux de l’antiquité et ceux des savans modernes. L’éclat de l’Exode relègue dans l’ombre les temps antérieurs et postérieurs à cet épisode de la Bible,. Il paraît cependant qu’avant la venue des Hébreux, le Sinaï était vénéré et nommé la montagne de Dieu par les Amalécites. On attribuait à ses sombres rochers les honneurs de la présence divine ; on n’osait les gravir, les nomades même évitaient les pâturages des vallées qu’ils dominaient[1]. Les tombes de Surabit-el-Khadim, quelques monumens égyptiens dont on voit les restes en ces lieux, paraissent dater d’une ère antérieure à l’Exode. Quand les Juifs eurent quitté la péninsule, elle appartint aux Iduméens, peuple de navigateurs et de commerçans, habitans de l’Arabie-Pétrée. Les Phéniciens y possédèrent aussi des postes commerciaux, Tor et Feiran. Le premier était un point de relâche pour leurs vaisseaux, qui sillonnaient la Mer-Rouge à la recherche des perles et rapportaient les produits de l’Inde ; le second, situé dans l’ouadé de ce nom, près du Serbal, devait être un centre d’exploitation pour des mines de cuivre et de turquoises, aujourd’hui perdues. La rivalité entre ces peuples de marchands amena des guerres dont les péripéties inconnues durent exercer quelque influence sur le sort de la péninsule.

Les Iduméens tinrent aussi en échec la puissance des Juifs. Sous David et sous Salomon, ils furent soumis, leurs ports sur la Mer-Rouge devinrent des dépendances de Jérusalem ; mais après le schisme et l’affaiblissement du royaume de Juda ils s’emparèrent même du sud de la Palestine. Plus tard, Rome les soumit à son empire. Depuis la conquête des Romains, l’histoire de la péninsule du Sinaï est inconnue jusqu’à l’ère chrétienne. À partir du IIIe et du IVe siècle, l’Égypte, surnommée la mère des anachorètes, parce qu’elle en fut peuplée la première, envoie de nombreux cénobites au Sinaï. La tradition fait remonter la fondation du couvent actuel à Justinien. Il le fit élever sur la place où une petite église avait été bâtie par Hélène. À l’exemple des anciens souverains de l’Égypte, qui défendaient leurs frontières par des temples fortifiés, Justinien construisit du même coup un couvent et une citadelle[2]. Du Ve au VIIe siècle, plusieurs évêques du Sinaï se distinguèrent dans les conciles par

  1. Voyez l’historien Josèphe.
  2. Stanley, Sinaï and Palestine. Comte de Laborde, Arabie-Pétrée.