Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/594

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV

Ce triomphe fut suivi d’un plus grand encore. Le ministère ayant dissous la chambre des députés, Royer-Collard fut élu par sept collèges. Dans le sein même de ce corps électoral si savamment organisé pour le monopole, la majorité ministérielle succomba. M. de Villèle fut remplacé par M. de Martignac. Royer-Collard devint président de la chambre ; mais de pareils combats ne se livrent pas sans laisser des traces profondes. M. de Barante raconte sans passion, non sans émotion, la longue crise qui précéda la révolution de 1830. Lui aussi aurait voulu l’alliance de la légitimité et de la liberté ; cette alliance devint impossible. « J’aimerais mieux scier du bois, avait dit Charles X, que d’être roi aux conditions du roi d’Angleterre. » L’adresse des 221, rédigée sous les yeux et sous l’influence de Royer-Collard, exprima dans des termes respectueux, mais fermes, la seule doctrine constitutionnelle possible, qu’elle soit anglaise ou non. Si Charles X avait cédé, la puissance des intérêts conservateurs, qui devait bientôt se révéler sous un nouveau règne, aurait probablement suffi pour contenir les entreprises révolutionnaires, et Royer-Collard aurait eu la gloire d’attacher son nom au triomphe de l’idée qui a rempli sa vie ; Charles X ne céda pas, et la nation, provoquée par les ordonnances de juillet, répondit par une révolution.

Sans aucun doute ce fut un malheur ; mais à qui la faute ? M. de Barante le dit expressément, et on peut en croire un pareil témoin. « La royauté n’était point menacée, aucun complot n’était tramé. La majorité ne voulait rien de plus que le gouvernement de la charte et le renvoi d’un ministère qui se proposait de la violer. » Sans doute encore il eût mieux valu accepter l’héritier direct de la couronne après l’abdication du roi et du dauphin, mais c’était évidemment impossible ; les royalistes constitutionnels étaient encore les maîtres le 26 juillet, ils ne l’étaient plus le 29 ; il n’y avait plus de choix alors qu’entre le duc d’Orléans et la république. Le duc d’Orléans lui-même aurait voulu échapper à cette alternative ; il le prouva par ses hésitations. La nécessité devenait pressante, éclatante ; le danger croissait à tout, moment, ce même danger qui a reparu dix-huit ans plus tard. Il fallut constituer en toute hâte un gouvernement. Si Royer-Collard ne prit aucune part à la fondation de la monarchie nouvelle, il en reconnut la nécessité et la sanctionna par son serment, quoiqu’elle renversât ses espérances.

L’hérédité monarchique est une institution excellente en soi, un des plus sûrs gages d’ordre et de liberté ; mais ce n’est point un dogme. Pour les uns, le principe de l’ordre politique est dans la