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tion différence que le commerce acquitte en espèces ou en traites sur le trésor[1].

A Cayenne, la classe affranchie ne s’est pas, au lendemain de l’émancipation, jetée dans l’oisiveté aussi absolument que ses détracteurs se plaisent à le dire. Elle n’a souvent délaissé les sucreries, qui lui rappelaient plus particulièrement le travail odieux de l’esclavage, que pour se livrer à des cultures moins fatigantes, telles que les vivres et le rocou. Elle a donc fait, avec un travail modéré, sur les denrées d’exportation, d’assez beaux profits qu’elle a consacrés à ses goûts de luxe. La production des vivres est devenue elle-même plus lucrative par l’arrivée du personnel des pénitenciers. Aussi ne voit-on à la Guyane ni misère ni mendicité qu’à de très rares exceptions. Le peuple gagne de l’argent, et en attendant qu’on dirige ses pensées vers la caisse d’épargne, il dépense son gain, ce qui accroît l’importation sans accuser ni une dette croissante ni la destruction des capitaux.

L’autre cause de l’activité commerciale qu’attestent les comptes-rendus de la banque dérive, avons-nous dit, des pénitenciers, dernier aspect de la situation de la Guyane, qu’il nous reste à considérer à un point de vue local et sans prétendre traiter la grande question de la réforme pénale dans ses principes, dans ses méthodes et ses effets. L’établissement pénitencier de la Guyane, créé par décret du 8 décembre 1851, a reçu deux espèces de transportés : la première comprend les suspects ou délinquans incriminés d’insurrection ou de participation aux sociétés secrètes, de rupture de ban, de surveillance, de fuite en dehors du territoire où ils étaient internés ou expulsés; on les a généralement qualifiés de condamnés politiques. La seconde classe comprend les forçats transférés des bagnes, dont la suppression est déjà un fait accompli pour ceux de Rochefort et de Brest; le bagne de Toulon est seul conservé comme dépôt.

D’après des renseignemens à demi officiels, dont l’exactitude n’a pu être vérifiée, le nombre des transportés de la première catégorie serait monté, de 1851 à 1856, à trois ou quatre cents individus, n’ayant avec les forçats que les rapprochemens momentanés commandés par d’impérieuses circonstances. L’obligation du travail leur aurait été appliquée avec peu de rigueur. Beaucoup ont été autorisés à rester en liberté sous caution, soit à Cayenne, soit dans les quartiers. La mortalité des quatre premières années aurait frappé seulement 52 individus sur 320, soit annuellement li pour 100, résultat très satisfaisant en effet, si le secret qui préside au recrutement et aux

  1. En 1860, l’importation totale a été de 7,107,484 fr., et l’exportation de 1,032,797 fr.: différence, 6,074,687 fr., sur lesquels les envois pour le compte direct du gouvernement représentent seulement 879,970 fr.