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Chinois comme trop difficiles à manier. La préférence reste acquise aux Africains du continent, et entre ceux-ci l’on estime surtout les habitans de la côte de Krou, dans le golfe de Guinée, doux, intelligens et forts, mais dont le recrutement a donné lieu à un grave incident. En 1860, un certain nombre d’entre eux se sont enfuis à Surinam et à Démérari, alléguant que, par une supercherie coupable, les recruteurs les avaient trompés sur la durée de leur engagement : ils avaient entendu stipuler pour cinq lunes, c’est-à-dire cinq mois, tandis qu’on prétendait les garder cinq soleils, c’est-à-dire cinq ans. Leur allégation s’accorde avec les dires des navigateurs et des consuls européens: d’après leur témoignage, les Kroumen ne consentent d’ordinaire qu’à de courts engagemens sur les navires qui fréquentent la côte occidentale d’Afrique, où ils sont fort appréciés comme pilotes, matelots, portefaix. A cette accusation, on a opposé une enquête; on a expliqué le départ de ces noirs par des menées répréhensibles. Enfin cet incident a trouvé un heureux correctif dans la rapatriation d’un convoi d’Africains, opérée en 1861 aux frais de la colonie, et qui a prouvé l’intention d’accomplir loyalement envers eux les conditions du contrat, même les plus onéreuses.

Il est dans l’intérieur de la Guyane une population autochthone dont les missionnaires se sont plus occupés que les gouverneurs. A une époque où le travail des esclaves était seul admis, le travail libre des indigènes ne pouvait trouver faveur ; aussi furent-ils souvent refoulés avec violence, opprimés avec dureté ou écartés comme importuns. D’autres temps inspirent d’autres conseils. Dispersés en tribus et en familles dans les forêts, réduits aujourd’hui à quelques milliers d’individus, répugnant à toute discipline régulière, les sauvages de la Guyane, les seuls qui survivent dans nos colonies à culture, ne suffiraient pas aux besoins agricoles, et ils peuvent néanmoins rendre des services à qui les accueille avec bonté et les traite avec justice. Adroits dans un petit nombre d’industries primitives, ils creusent des pirogues dans les arbres qu’ils abattent, fabriquent des pagaies et des hamacs, des fils et des toiles, et ce qui peut mieux profiter aux planteurs, ils servent volontiers de guides à travers les forêts, de pilotes sur les fleuves; ils fournissent du bois brut aux scieries; ils apportent sur les marchés, avec les produits de la chasse ou de la pêche, leurs petites provisions de lignes et de cordes, de tabac et de maïs; on en obtint même des services domestiques pendant la première révolution, alors que les planteurs virent s’éloigner de leurs demeures les esclaves affranchis. De nos magasins, ils emportent un peu de mercerie et de quincaillerie, aliment du commerce local, et plus volontiers encore des armes et des spiritueux. Leur intérêt et leur goût les attirent vers les blancs ; mais ce mouvement