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cette concurrence sans l’avantage d’un rendement et surtout d’un prix plus élevé. L’administration dans ces derniers temps a excité l’une et l’autre culture par des primes qui profiteront surtout aux petits habitans, à qui ces récoltes conviennent en raison de la main-d’œuvre modérée qu’elles réclament.

Malgré des encouragemens plus énergiques, le cotonnier, qui prend aussi sous l’équateur la taille d’un arbuste, est en pleine décadence à la Guyane. Ce n’est pas qu’il n’y puisse réussir : des sauvages le cultivent, en filent la fibre, la tordent, en font des hamacs; mais dans les terres hautes, qui lui conviennent le mieux, la récolte est peu abondante : dans les terres basses, où il prospère aussi, lorsqu’elles sont bien desséchées, la qualité est médiocre. La faveur commerciale dont le coton de la Guyane jouissait au XVIIIe siècle, alors que les pays producteurs étaient peu nombreux, il l’a perdue le jour où les États-Unis ont inondé tous les marchés du globe de leur courte-soie à vil prix. Il restait la ressource du longue-soie, et le gouvernement local s’en est avisé en offrant d’acheter, pour le compte de l’état, à des prix fort élevés, toute la récolte : peine à peu près perdue ! Cette variété ne prospère que dans les terres basses, et les noirs, répugnant au travail pénible, ne s’y portent pas volontiers; elle périt par les grandes pluies de janvier et de février, que le climat ramène infailliblement tous les ans. Aussi la préférence se porte-t-elle sur les espèces indigènes, qui sont plus rustiques et exigent moins de soins; il est vrai que les résultats se réduisent à peu de chose. L’exportation, qui atteignait il y a une vingtaine d’années près de 300,000 kilogrammes, en dépasse à peine 8,000 aujourd’hui!

Les arbres à épices, parmi lesquels comptent surtout le giroflier, le muscadier, le cannellier et le poivrier, ont joui d’une faveur inégale. Les trois derniers ont successivement décliné jusqu’à ne plus compter aujourd’hui dans les produits sérieux de la colonie : la douane n’a constaté en 1857 la sortie d’aucune quantité de muscade; elle n’a eu à signaler que 60 kilogr. de cannelle, 100 kilogr. de poivre. Pour le cannellier, on accuse l’infériorité du produit, comparé à la cannelle de Ceylan, pour le muscadier une végétation médiocre, pour le poivrier une fécondité qui s’éteint on ne sait pourquoi. Probablement il y a au fond de toutes ces révolutions de culture des questions de prix et aussi de convenance économique. Les administrateurs français ont le goût de l’acclimatation, et ils tirent vanité du moindre succès; à les entendre, chaque colon devrait adopter tous les végétaux que le pays comporte : vues d’horticulteurs, non d’agriculteurs! La simplification est le secret de la prospérité agricole. Un petit nombre de plantes bien choisies et bien exploi-