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leur gaucherie novice ces premiers monumens certains de l’art et de la croyance d’un âge si éloigné de nous. Non assurément que ces ouvrages soient primitifs, nous en possédons de plus anciens du même genre, et les uns comme les autres doivent être le plus souvent des reproductions classiques des sujets, des types, des symboles consacrés dans l’école des peintres comme dans l’imagination des fidèles par plus d’un siècle de tradition : nous retrouverons plus d’une fois et la main dans le nuage, et les lettres mystiques, et les brebis, et les palmiers; mais moins ces images sont originales, plus elles sont fidèles. Ce sont bien celles sous lesquelles la foi des premiers siècles se représentait les objets mystérieux de ses méditations et de ses espérances. Voilà sous quels traits visibles se peignait la religion dans l’imagination des contemporains de Boëce et de Cassiodore, et même probablement de saint Ambroise, de saint Jérôme et de saint Augustin. Il est donc vrai que c’est à Ravenne plus qu’à Rome peut-être qu’il faut aller pour retourner à quinze cents ans en arrière des croyances et des arts qui aujourd’hui triomphent sous d’autres formes dans Saint-Pierre de Rome et dans Notre-Dame de Paris. Et les deux Saints-Apollinaires restent, à ce qu’il semble, les deux plus grandioses monumens de cet âge de la religion et de l’architecture. Saint-Apollinaire-in-Classe surtout, dans cette plaine humide, sur la lisière de cette forêt solitaire, abandonné, avec ses murs verdâtres, quand je l’ai vu sous un ciel sombre et pluvieux, m’a frappé d’une impression ineffaçable, non pas terrible cependant. La basilique, monument d’une rivalité d’empire et de religion entre l’Orient et l’Occident, n’a point cette sombre terreur qu’on attribue quelquefois aux cathédrales gothiques, elle se ressent de son origine grecque; simple et régulière, riche et lumineuse, elle tempère une majesté correcte et sévère par un rayon de cette beauté que le génie de l’hellénisme lance partout où il passe, et qui dore tout ce qu’il a touché.

Ces deux monumens sont d’une telle importance qu’ils ont passé avant d’autres, par lesquels on aurait dû peut-être commencer. Si l’on osait se fier aux trop promptes hypothèses qu’on est toujours prêt à faire lorsqu’on visite des monumens, on commencerait son cours de basiliques par une église de Saint-Nicolas qui, toute nue au dedans comme au dehors, dépourvue de bas côtés et de presque toute saillie architecturale, avec ses murs plats et son abside peu profonde et seulement indiquée, semble une ancienne basilique de petite ville affectée telle quelle au christianisme qu’elle a précédé; mais on nous le défendrait au nom de l’histoire en nous disant que Saint-Nicolas a été bâti par saint Serge au VIIIe siècle. Je voudrais au moins m’arrêter devant une église qui ressemble à une maison