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par une restauration nécessaire en sortant des mains des hérétiques. Heureusement le caractère général n’en a pas été altéré, et il s’est conservé jusqu’à nos jours. Je regrette d’avouer qu’il ne me reste nul souvenir de l’extérieur de cette belle église; mais je parierais qu’il est relativement insignifiant : c’est une disparate à laquelle il faut s’habituer.

Vous devez maintenant sortir de la ville et suivre près d’une heure la route du midi, qui côtoie la mer d’assez près. Lorsque vous approcherez de la forêt de pins, dans un pays plat et presque désert, on vous montrera à gauche, sur un terrain bas et qui commence le littoral, un groupe de trois ou quatre maisons semblable à une assez grande ferme. Une tour ronde, qui pourrait être un colombier grêle et élevé, d’une certaine élégance, n’en change pas essentiellement le caractère, et quand on vous arrête devant un corps de logis assez bas, vous ne devineriez pas que la porte cochère qui est au centre vous conduit à l’entrée d’une basilique qui peut-être n’a pas de rivale dans l’univers, maintenant que le feu a détruit à Rome l’antique Saint-Paul-hors-des-Murs. En sortant de Ravenne par la Porta-nuova, vous avez touché la place de l’ancienne Césarée, qui unissait la ville au port, et dont il ne reste qu’une croix de pierre, vestige d’une église détruite, Santo-Lorenzo-in-Cesarea, qui elle-même était seule demeurée longtemps debout depuis le règne d’Honorius. La plaine humide qui s’étend au-delà environnait l’ancien port d’Auguste, dont Santo-Apollinare-in-Classe est aujourd’hui l’unique monument. C’est l’église qui est devant vous. Elle est comme déguisée par cette maison rurale, large et basse, qui a remplacé la cour et le portique, et que domine d’assez haut l’étroit pignon très simple et très nu du bâtiment auquel elle est adossée. L’église, bâtie aux frais d’un officier du palais impérial, fut consacrée en 549. On la dit commencée en 538, c’est-à-dire au moment où les Goths perdaient Ravenne devant Bélisaire victorieux. Elle est en briques et ornée seulement d’arceaux figurés d’un style assez pur; mais ici, comme à l’ordinaire, c’est l’intérieur qu’il faut voir. Ce vaste temple semble abandonné, mais sans trop de dégradation, et les cérémonies du culte s’y célèbrent encore à certains jours. Il faudrait peu de chose pour qu’elles y reprissent leur solennel éclat. Il est singulier que ce monument, élevé sur un terrain tellement détrempé que j’en ai vu la crypte remplie d’eau comme une citerne, se conserve aussi bien, miné qu’il est par les infiltrations et battu par les vents de l’Adriatique. Vingt-quatre colonnes en marbre cipolin séparent trois larges nefs. Ici plus de mosaïques; elles ont été détruites. Les marbres qui couvraient les murs des bas côtés ont été enlevés par Sigismond Malatesta; mais ces murs, ainsi