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pris pour le dernier progrès de l’art : c’est proprement le style moderne, qu’on peut appeler le style romain, étant une application de l’architecture de l’empire des césars aux constructions modernes dirigée par le goût de la renaissance. En négligeant bien des variétés, c’est, je crois, entre ces quatre genres d’architecture ecclésiastique qu’il faut choisir, c’est-à-dire qu’il faut se prononcer entre Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople, la cathédrale de Bourges et Saint-Apollinaire de Ravenne.

Nous disons Saint-Apollinaire ; mais lequel? Il y en a deux : Santo-Apollinare-Nuovo et Santo-Apollinare-in-Classe ou ad Classem. Ce n’est pas ce qu’on trouve de plus antique à Ravenne; mais à Ravenne et partout peut-être c’est ce qu’on trouve de plus frappant en beauté et en pureté, comme modèle des anciennes basiliques chrétiennes.

Santo-Apollinare-Nuovo s’appelle aussi Santo-Martino-in-Cielo-d’Auro, titre qui annonce toujours de belles mosaïques. On explique différemment cette diversité de noms. On convient que ce fut d’abord une église arienne, puis vers la fin de la domination des Goths un archevêque orthodoxe l’aurait dédiée à saint Martin; mais quelques-uns ajoutent qu’au IXe siècle on lui aurait donné son titre de Santo-Apollinare-Nuovo, afin d’accréditer le bruit qu’elle renfermait désormais les restes de l’apôtre Apollinaire, qui, gardés plus près de la mer dans l’autre église de même invocation, étaient exposés aux déprédations des pirates sarrasins. D’autres soutiennent au contraire que, la garde de ces reliques étant incertaine et disputée entre ces deux églises, une décision du XIIe siècle déposséda la première en changeant son nom. Quoi qu’il en soit, elle avait été bâtie entre 493 et 525 par Théodoric, pour être la cathédrale de l’arianisme. Il paraît que Ravenne manquait d’anciens temples un peu considérables qui pussent être dépouillés ou dénaturés au profit du culte nouveau, et la beauté de plusieurs de ses églises vient de ce qu’elles furent construites de toutes pièces, suivant le goût et dans l’esprit de l’époque. Ainsi donc Saint-Apollinaire est un long parallélogramme, sans transept; seulement, au point où se termine la nef, une séparation, un cancel en marbre, ferme dans toute sa largeur l’abside, qui se compose de trois compartimens. Celui du milieu, de beaucoup le plus grand et terminé en hémicycle, projette en dehors sa convexité et forme à lui seul tout le chœur. Vingt-quatre colonnes de marbre apportées de Constantinople séparent la nef de ses ailes. Elles sont élégantes, assez rapprochées, et au-dessus d’un chapiteau composite portent un petit bloc ouvragé qui tient lieu d’architrave et d’où s’élance l’arc des cintres. Au-dessus du cordon qui les surmonte, une large bands, une frise est dans toute sa lon-