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conserver les traits originels de l’ancienne basilique? Mais dès qu’on lâche les rênes à l’imagination, combien de moyens souvent ingénieux, souvent admirables, de la dénaturer ! Je ne parle pas de la ressource antique du péristyle, quoiqu’elle ait bien sa valeur; tout le monde a sous les yeux l’exemple de la Madeleine. Supposez cependant que la concavité de l’abside soit prise sur le dehors au lieu d’être prise sur le dedans : l’église aura à l’est un chevet qui peut devenir pour l’architecte un motif de combinaisons nouvelles. Si l’on fait saillir de même les chapelles latérales, ces constructions accessoires, analogues peut-être à ce que les anciens appelaient chalcidique, changent le dessin extérieur du monument. De ces additions, la plus commune et qui se prête aux plus riches développemens, c’est celle que le goût du symbole a inspirée de bonne heure à l’artiste chrétien. On a voulu donner à l’église la forme d’une croix, et les bras de la croix sont devenus deux corps de bâtimens qui, tant au dedans qu’au dehors, ouvrent un nouveau champ à tous les moyens d’effet dont l’artiste dispose. Puis, au lieu du toit de charpente, on a osé porter la voûte à des hauteurs inusitées, et de là même, au centre de la croix, élever la voûte circulairement et la terminer en coupole exhaussée sur un tambour, c’est-à-dire en dôme. Ce n’est pas tout : dans les premiers temps, l’église était toujours précédée d’une cour fermée ( claustrum ou cloître), et la galerie d’enceinte, si elle se prolongeait sur la façade, y formait une entrée couverte ou un porche. Faites mieux encore. Vous avez besoin d’espace : jetez un toit sur cette cour ou couvrez-la d’une voûte, et vous aurez doublé, triplé la nef, vous aurez l’immense vaisseau de nos grandes cathédrales. Vous pourrez alors multiplier les bas côtés, que depuis longtemps vous aurez élevés davantage. Au lieu de trois nefs, vous en aurez cinq. Si vous laissez subsister dans ce nouvel arrangement quelque chose du mur de l’ancienne façade, vous aurez fermé une section de la nef, le chœur agrandi sera clos, et l’ancien porche deviendra un jubé. On conçoit quelles ressources offrent pour ces nouvelles dispositions les formes et les procédés de l’art gothique, et comment cet art, tout différent qu’il est d’esprit et d’origine, a pu s’appliquer aux données premières de la basilique et en être regardé comme une transformation.

En résumé, l’église, salle d’assemblée, à laquelle l’usage prescrit désormais de réunir le baptistère et le clocher, me paraît avoir pour forme fondamentale la basilique. Elle s’en écarte de deux manières, par la manière byzantine, par la manière gothique, mais beaucoup moins par la première que par la seconde. Enfin on est parvenu à appliquer à ces divers types un nouveau mode de transformation, le moins original de tous, quoique des hommes pleins de génie l’aient