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du second mariage de leur père avec la fille de Valentinien Ier, s’était jetée dans Rome pour la défendre contre l’invasion des Goths; mais dans cette nuit du 24 août 410 où Alaric prit et saccagea la ville éternelle, il enleva la sœur de l’empereur, et la retint captive en la respectant. C’était une femme habile et séduisante, passionnée pour la religion et pour la politique. Elle se fit aimer d’Ataulf, le compagnon et le successeur d’Alaric, qu’elle épousa et convertit à la civilisation romaine. Quand son mari fut assassiné en Espagne, où il était allé fonder la domination des Visigoths, il ordonna en mourant qu’on la remît à l’empereur. Elle ne lui fut rendue qu’en échange de six cent mille mesures de blé, et bientôt elle épousa contre son gré Constance, le meilleur général d’Honorius et le seul qui eût fait reculer les bandes d’Alaric. Ce second mariage eut lieu à Ravenne trois ans jour pour jour après le premier (1er janvier 417).

Galla Placidia, devenue par cette union puissante auprès de l’empereur Théodose le Jeune, obtint le titre d’augusta, mais ne réussit pas à lui faire adopter son mari, qui en mourut de chagrin. Poursuivie dans son veuvage par les indignes. obsessions d’Honorius, elle se vit contrainte de se réfugier à Rome, et bientôt elle fit le voyage de Constantinople. Assaillie par une tempête dans la traversée, elle promit de bâtir un temple à saint Jean l’évangéliste. C’est l’église qui se voit encore à Ravenne et qui porte quelques traces de son origine. Ayant recouvré la protection de Théodose, Placidia revint en Italie avec l’armée impériale pour combattre un général arien nommé par le sénat, et elle se montra zélée pour le rétablissement de l’unité religieuse sous l’empire des lois théodosiennes. Tour à tour soutenue et trahie par Bonifacius et par Aétius, elle fut, après la mort du premier, régente à Ravenne sous l’autorité du second, et elle y mourut à soixante-deux ans (450). Quoique son pouvoir eût peu de réalité, elle a laissé des marques de son passage dans cette ville, embellie par ses soins, et où dès le Ier siècle saint Apollinaire, disciple de saint Pierre, avait introduit le christianisme.

Moins de cent ans après Honorius, l’empire d’Occident périt; Odoacre et ses Hérules fondèrent un royaume d’Italie qui, sans Pépin et Charlemagne, durerait peut-être encore, et dispenserait une noble nation de se relever péniblement de quatorze siècles de souffrances et d’angoisses. Théodoric, qui conquit ce royaume, le réunit à l’empire des Ostrogoths qu’il avait fondé, et quoique la mort d’Odoacre et d’autres meurtres inspirés par cette grande conseillère de crimes, la raison d’état, souillent ineffaçablement sa mémoire, il créa en Italie cette monarchie des Goths qui remplaça et continua celle des Hérules; son gouvernement glorieux est une des dates de l’histoire. Pavie et Ravenne furent les résidences de son