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VI. — IRRUPTION DU CORPS DE ZIETHEN. — MARCHE EN AVANT DE l’ARMEE ANGLAISE.

Pendant ce temps, un cri était parti des hauteurs de Smohain. Ce cri est le hourrah d’une attaque nouvelle. Toute la portion de la ligne française qui se tenait encore suspendue à mi-côte chancelle. Le centre et la droite sont enfoncés en même temps; ils se rompent. L’un se débande au premier pas que la garde fait en arrière, l’autre par une cause inconnue. On devait l’appeler panique jusqu’à ce que l’on sût avec précision à quelle force irrésistible il avait fallu céder. Ainsi, à ce dernier moment, deux causes très distinctes agissent simultanément sur deux points éloignés de la ligne et la brisent en tronçons. Au centre, tout se précipite vers la garde; on y cherche un refuge. Les troupes rompues, les hommes isolés, les intrépides tirailleurs de Donzelot et de Quiot, s’abritent derrière cette forteresse vivante ; mais ils l’embarrassent de leur foule. Décimés, les bataillons de la garde se retirent au pas, dans les bas-fonds, au sud de la Haie-Sainte. Là, ils se forment en carrés pour faire face à l’ennemi, qui s’abat sur eux de tous les côtés de l’horizon.

Jusque-là Napoléon, dans le ravin, avait suivi des yeux les mouvemens de sa dernière réserve. Il lui avait été d’abord impossible de s’expliquer la confusion soudaine de la partie la plus éloignée du champ de bataille. Obstiné à espérer, il ne pouvait s’arracher du lieu où il était; mais lorsqu’il vit sa garde invincible céder elle-même le terrain et repasser la Haie-Sainte, pour la première fois il renonça à l’espérance, et (s’il faut en croire le rapport de son guide) il s’écria : « C’est fini! »

Comme déjà les cavaliers ennemis s’approchaient, il lança contre eux son escorte de quatre escadrons de service. Ces 400 hommes furent aussitôt enveloppés et culbutés. Le général Guyot, qui les conduisait, est blessé de deux coups de feu ; le général Jamin est tué à la tête de ce qui restait des grenadiers à cheval. Napoléon, n’ayant plus alors même un seul homme d’escorte, tourna bride. Il entra dans le carré du 2e régiment de grenadiers, que commandait le lieutenant-colonel Martenot.

Que s’était-il donc passé à l’extrême droite? Le corps d’armée de Ziethen avait débouché à l’improviste des bois d’Ohain avec sa 1re brigade, sa cavalerie de réserve et quatre batteries. D’abord Ziethen avait établi une batterie sur la hauteur; mais presque aussitôt il avait jeté ses troupes en avant. Elles avaient pris en écharpe celles de d’Erlon, qui marchaient en ce moment en colonnes pour flanquer l’attaque de la garde. Cela avait été comme le dernier coup. On a accusé l’extrême droite d’avoir laissé percer la ligne de ba-