Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au moment même de cette discussion des chefs de l’aile droite française, la masse prussienne se disposait à déboucher de Wavre, dans la direction de Waterloo, avec l’impulsion d’une résolution depuis longtemps préparée. Aucune délibération n’avait suspendu ses mouvemens. Cette armée, après avoir passé la nuit à Wavre et s’y être refaite, marchait au rendez-vous marqué par le chef de l’armée anglaise. Le corps de Bulow, qui n’avait encore eu aucun engagement avec les Français, se mit le premier en marche. Un incendie dans Wavre retarda jusqu’à midi une de ses divisions; il devait passer par Saint-Lambert, point culminant d’où il ne pouvait manquer d’être aperçu de loin. Pirch suivait; Ziethen devait longer la forêt de Soignes à travers de vastes bassins où son approche resterait cachée jusqu’à l’entrée du champ de bataille.

Ainsi dans cet espace compris entre Wavre et Waterloo s’avançaient parallèlement trois noires colonnes prussiennes, Bulow en tête, 30,000 hommes, Pirch en seconde ligne, 17,000, Ziethen à droite, 13,000, total 60,000 hommes. Au moment où les flanqueurs de gauche de Grouchy, en sortant de Sart-les-Walhain, s’approchaient de la Dyle, ils furent aperçus des vedettes prussiennes. Blücher est aussitôt averti ; il crut que les Français renonçaient à marcher sur Wavre pour se diriger à leur tour sur le canon ; il fut confirmé dans cette idée lorsque les têtes de colonnes d’Exelmans et de Vandamme se montrèrent à la hauteur de Corbais, comme si elles allaient déboucher à Moustier. Dans la crainte de ce mouvement, Blücher fait suspendre la marche de Pirch ; il ordonne à Ziethen de se rabattre sur la Dyle. Il ramène ainsi ses colonnes en arrière du côté de Grouchy; mais, ayant bientôt reconnu que celui-ci poursuivait son mouvement vers Wavre, le général prussien, pleinement rassuré, ordonne une nouvelle contre-marche : il reporte ses troupes dans la direction de Waterloo. Quant au corps de Thielmann, 18,000 hommes, il le laisse à Wavre pour couvrir le mouvement et amuser le maréchal Grouchy le plus longtemps possible sur les deux bords de la Dyle. Si ce maréchal, sans se laisser tromper par ce rideau, marche au canon de Waterloo, Thielmann a l’ordre de l’y suivre en toute hâte. L’apparition des éclaireurs de Grouchy eut encore d’autres conséquences que de jeter un moment l’irrésolution dans l’armée prussienne. Nous connaissons aujourd’hui dans le plus petit détail les mouvemens de cette armée, que la rapidité de sa fuite avait dérobés à nos soldats. Tout était obscur dans sa marche, et l’événement restait inexplicable. Il s’éclaire maintenant par les détails qui suivent.

En arrivant près de lieux-Sart, la cavalerie française de Vallin se trouva un moment entre la tête et la queue du corps de Bulow. Dès que le détachement français fut signalé, le général prussien laissa en arrière deux régimens de cavalerie de la réserve pour lui faire