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l’homme fait partie, où il occupe la place la plus élevée, mais où il y a pourtant quelque chose à côté de lui.

Si l’on médite sur les caractères particuliers de la matière inerte et de celle qui est organisée, on saisira aisément un trait de dissemblance frappant par son universalité : la substance inorganique est indépendante du temps, la substance organique en est dépendante ; elle en est, comme diraient les géomètres, une fonction, c’est-à-dire que le mouvement du temps y développe des variations continuelles. Le minéral ne change jamais, il est aujourd’hui ce qu’il était hier, ce qu’il était il y a des siècles. Sans doute des agens extérieurs chimiques et physiques peuvent l’altérer, le décomposer ; mais il ne porte point en lui-même une cause d’altération, et en ce sens il n’est point une fonction du temps. Cette inertie, ce défaut de variation ôte aux objets pris dans le règne inorganique tout caractère d’individualité. Un cristal n’est point un individu : il jouit bien de formes spéciales, mais les limites n’ont ici rien de fixe et de déterminé. Ce cristal peut être considéré comme l’agrégat d’une infinité de petits cristaux semblables, je puis le décomposer à l’infini, et dans chaque partie retrouver toutes les propriétés fondamentales du tout.

L’être organisé au contraire, par cela même qu’il se modifie dans le temps, jouit d’une certaine individualité qui s’attache à l’ensemble des organismes auxquels le temps imprime des changemens ; chacune de ses molécules est indestructible isolément, mais leur ensemble changeant constitue un petit monde qui est l’individu. On ne peut comprendre une variation sans une force qui la produise : toutes les variations de l’être organisé doivent donc être rapportées à des forces corrélatives ; mais ces variations sont de plus d’une espèce. Prenez l’homme : s’il change d’heure en heure et d’instant en instant, c’est d’abord parce qu’il est organisé ; mais il a ce caractère en commun avec tous les autres animaux et tous les végétaux. Il y a une certaine vie végétative répandue dans tout le monde, dont il prend sa part, et qui représente un certain ordre de variations dans le corps humain.

À côté de ces variations, on en observe d’autres. L’homme n’est pas attaché au sol comme la plante : il a une vie de relation et des organes qui en sont les instrumens. Les actes de sa vie animale ne sont pas arbitraires, ils sont déterminés par l’espèce à laquelle il appartient. Quelle est la force qui le tient soumis aux exigences de l’espèce et l’obligera à en perpétuer le type ? C’est l’instinct. Enfin le cercle de l’activité personnelle et libre est rempli par une force qui constitue l’individualité, et qui est l’âme par excellence. L’âme de la plante ne renferme que les forces destinées au développement de