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dant une demeure propre, ce que M. Fichte nomme un corps intérieur (innerer Leib), doué de la vertu organisatrice et passant par des évolutions successives depuis la naissance jusqu’à la mort. C’est là l’idée neuve, mais étrange et difficile à saisir, de l’Anthropologie. Le corps intérieur, ce lien mystique entre le corps et l’âme, n’est-ce pas sous un autre nom l’archée de van Helmont ?

Parmi les physiologistes allemands qui se rattachent aux doctrines spiritualistes, il faut encore citer Carus, le célèbre correspondant de l’Institut de France, qui fut honoré de l’amitié de Goethe. Il faut remonter jusqu’à Platon pour trouver quelque chose d’analogue à la doctrine du savant professeur, exposée systématiquement dans un livre récent, Nature et Idée. Comme le titre l’indique, les corps ne sont pour Carus que des idées objectives ; l’âme est l’indestructible idée du corps, inconsciente en ce qui ne regarde que les transformations organiques proprement dites, consciente dans le domaine de la pensée, mais toujours principe et cause de tous les phénomènes de l’être vivant, depuis la pensée jusqu’à l’acte de la nutrition. L’âme n’est pas localisée, elle n’est point comparable à l’araignée au centre de sa toile : elle a son siége dans toutes les cellules vivantes, dans chaque monade organisée, dont chacune est en quelque sorte un résumé de l’univers.


II.

Quelle impression laisse à notre esprit l’examen de tant de systèmes ? à quel point fixe peut-on s’arrêter ? Un fait semble hors de conteste : c’est la nécessité de faire intervenir, pour l’explication de la vie et de la pensée, autre chose que les propriétés connues de ce qu’on appelle vulgairement la matière. Dans les corps inorganiques, les combinaisons dépendent de forces inhérentes aux substances mêmes qui se combinent ; mais dans un composé vivant, la puissance qui forme et entretient les organismes ne réside pas uniquement dans les propriétés des élémens : il y a autre chose qui fait équilibre à l’affinité chimique et aux forces physiques. Quel sera cet agent nouveau ? sera-t-il simple ou complexe ? Le vitalisme est impuissant à définir ce principe, qu’il interpose entre le corps et l’âme. Les animistes laissent incertaine toute limite entre les phénomènes intellectuels et les phénomènes organiques, et n’en montrent pas encore assez nettement tous les liens. Dans l’examen du problème de l’âme, on se place à un point de vue trop étroit, trop anthropologique. Que l’on se demande d’abord quelle est la différence capitale, essentielle, fondamentale entre le règne inorganique et le règne organisé, et la réponse à cette question fournira une méthode sûre pour explorer les phénomènes généraux du monde organisé, dont