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espérances mêmes des législateurs. Dix ans plus tard, en 1850, le nombre des lettres s’était accru par semaine de 1,500,000 à 7,239,962.

M. Rowland Hill, aujourd’hui secrétaire de l’administration des postes, a introduit plusieurs autres réformes utiles et a fait de ce service, suivant l’expression familière aux Anglais, une admirable machine. Quiconque voit les tas de lettres et de journaux amoncelés chaque soir dans les bureaux du post office de Londres s’imaginerait volontiers qu’il faut une semaine de travail avant que tout cela soit à même de partir. Eh bien ! deux heures après, ces masses de papier écrit ou imprimé prennent leur direction vers tous les points du monde connu, emportées qu’elles sont vers les diverses lignes de chemins de fer dans de légères voitures peintes en rouge. Il est vrai que les mécaniques viennent au secours des mains. Des escaliers mouvans qui atteignent tous les étages de l’édifice sont occupés à monter ou à descendre, transportant avec eux dans le vide les hommes et les paquets. Il est extrêmement curieux de voir apparaître de moment en moment, comme dans une pantomime anglaise, les divers degrés de cette échelle de Jacob. D’abord ce sont des pieds d’homme qui se détachent à la hauteur du plafond, puis la personne entière se découvre successivement jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse sous le plancher, et qu’elle soit bientôt suivie d’une autre. Chaque marche de ce double escalier animé par un mouvement rotatoire atteint à son tour le rez-de-chaussée de l’édifice, fait alors un pas en avant, se repose à terre pour donner aux hommes le temps de prendre le sac qu’elle supporte, puis se dirige d’elle-même vers l’autre partie de l’échelle où elle remonte.

Tous les journaux pourtant, — il s’en faut de beaucoup, — ne passent plus aujourd’hui par les bureaux du gouvernement. Le véritable post office pour les feuilles imprimées est entre les mains d’une administration particulière. Quiconque a vécu quelque temps à Londres doit avoir remarqué dans le Strand, à la hauteur de Saint-Martin’s-Church, un véritable palais dont l’architecture sévère s’élève au centre du quartier des journaux. Cet édifice de pierre tout moderne, mais déjà noirci par la fumée de Londres, est l’établissement de Smith and son. À l’intérieur, vous découvrez une armée d’employés et de commis, de personnes occupées à assortir des feuilles volantes et de messagers. Encore n’est-ce point durant la journée qu’il faut visiter cette ruche du travail : c’est à cinq heures du matin. Le vieux Londres est endormi, le macadam des rues, même celui du Strand, repose dans un solennel silence ; déjà pourtant la ruche bourdonne, des charges de papier sorti tout frais de dessous la presse arrivent par monceaux, et une file de légères