Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On a vu comment se faisait le papier dans la Grande-Bretagne. Chaque fabrique croit en outre avoir des secrets qui lui appartiennent. Je ne nierai point qu’il n’existe des procédés de détail donnant plus ou moins de valeur aux produits de certains paper mills ; mais, d’après ce que j’ai vu, le grand secret de la fabrication anglaise consiste dans la puissance des capitaux, dans la richesse et l’étendue des machines, dans la qualité des eaux courantes, et surtout dans l’art des ouvriers. Ce secret-là, il serait difficile de le ravir à nos voisins. Que deviennent maintenant les masses de papier qui sortent annuellement des fabriques du royaume-uni ? Une partie est exportée à l’étranger, l’autre demeure dans le pays, où elle se prête à un très grand nombre d’usages[1]. Pour nous faire une idée générale de la consommation intérieure, transportons-nous d’abord au post office de Londres : Là nous retrouverons le papier sous une nouvelle forme, — écrit ou imprimé.


III.

Le general post office, qui est considéré comme le centre de tout le réseau postal du royaume, s’élève à Londres dans Saint-Martin’s-le-Grand-street. C’est un édifice compacte, bâti en pierre de Portland, d’un style froid et régulier, avec trois portiques soutenus par des colonnes. Le portique du milieu, surmonté d’une frise, sur laquelle on lit le nom de George IV, conduit par un escalier à un grand passage ou vestibule qui traverse toute la largeur de l’édifice, et aboutit en face de Foster lane. Dans ce passage s’ouvrent des boîtes pour recevoir les lettres destinées aux quatre points cardinaux du monde, et derrière ces boîtes s’élèvent de hautes fenêtres qui se trouvent généralement fermées. Je suppose pourtant qu’il est cinq heures trois quarts du soir ; la première fenêtre à gauche, située vers le péristyle et au-dessus de laquelle on lit : « For newspapers only, seulement pour les journaux, » est alors toute grande ouverte. Une foule impétueuse qui entre, soit par la façade, soit par le derrière de l’édifice, se croise dans toute la longueur du vestibule, et les lettres tombent comme la grêle au fond des boîtes ; mais c’est surtout la fenêtre des journaux qui doit attirer notre attention. Le péristyle se trouve assiégé par une bande de porteurs et de news-paper boys, garçons de douze à treize ans employés au service des

  1. En 1859, cette exportation s’est élevée à 20,142,350 livres de papier, tandis que la masse entière de papier fabriquée et soumise au droit était cette même année de 217,827,197 livres. On peut par les deux chiffres calculer l’étendue de la consommation intérieure, à laquelle il faut encore ajouter 2,037,693 livres de papier importé du continent en Angleterre.