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dit-il, n’a, Dieu merci, rien de commun avec la cause italienne ; elle est aussi ancienne que celle-ci est nouvelle, aussi pure que celle-ci est souillée, aussi sainte et aussi légitime que celle-ci est coupable ! » L’illusion peut plaire à M. de Montalembert ; est-il bien convaincu lui-même qu’il ne trace pas un tableau de fantaisie, et qu’il ne plie pas un fait réel à sa passion d’orateur ? Un peuple qui se réveille et s’agite sous l’unique influence d’un sentiment moral, qui, à travers toutes les épreuves, nourrit le même feu de patriotisme inextinguible, qui se soutient par des miracles d’énergie intérieure et de résistance passive, un peuple qui a des poètes pour lui inspirer l’esprit de sacrifice et de persévérance dans le malheur, qui fait des manifestations en chantant des hymnes religieuses et n’oppose à la force qu’une obstination désarmée, c’est assurément un phénomène aussi nouveau qu’émouvant. Le caractère religieux de ce réveil tout pacifique de la Pologne contemporaine est un des faits les plus extraordinaires du moment présent. Seulement ce profond sentiment, religieux, catholique, qui est l’essence du patriotisme polonais, a-t-il la signification que lui donne l’auteur de ces pages chaleureuses sur une nation en deuil ? Est-ce une contradiction de la révolution italienne, même en ce qui touche la transformation de la papauté temporelle ? Voilà où M. de Montalembert se trompe singulièrement.

Cette Pologne religieuse, catholique, qui s’est révélée subitement à la lumière, n’a rien de commun, dirai-je à mon tour, avec les idées de M. de Montalembert. Elle est dévouée au chef de la religion, à l’église, fort peu à la souveraineté temporelle du pape, et. elle n’est nullement ultramontaine en ce sens. L’an dernier, lorsque parut cette brochure, le Pape et le Congrès, qui mit en déroute la diplomatie, le directeur d’un journal conservateur de Cracovie, M. Maurice Mann, homme d’un caractère sérieux et de talent, voulut entreprendre une défense du pouvoir temporel du saint-siège, et il fut aussitôt abandonné par ses coopérateurs. Les actionnaires mêmes du journal se réunirent, et M. Maurice Mann se vit obligé de suspendre son œuvre. On a cherché, dans ces derniers temps, à provoquer de la part des évêques polonais des manifestations en faveur de la souveraineté politique du pape ; il n’y a eu, si je ne me trompe, qu’une pastorale de l’archevêque de Posen, et encore a-t-elle été gourmandée pour sa froideur, Il y a un mois à peine, un banquet avait lieu à Wilna pour célébrer l’anniversaire de la réunion de la Lithuanie à la Pologne ; l’évêque était un des assistans. On portait toute sorte de toasts patriotiques, et l’un d’eux était en l’honneur de qui ? — De Garibaldi. Le nom de Garibaldi est un des plus populaires en Pologne. Ces poètes eux-mêmes que