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puisse lui en savoir beaucoup de gré, et grâce uniquement à l’attrait presque irrésistible de la vérité pour un esprit clairvoyant et délié.


II.

La république florentine du XVIe siècle n’offrait pas seulement le vain tumulte d’un forum étroit envahi par de mesquines ambitions; cela n’eût point suffi à la solidité du génie toscan, qui parut bien plutôt épris de la science politique et préoccupé du grand problème de savoir comment gouverner les hommes. On peut dire que presque toutes les formes de gouvernement imaginables ont été mises en pratique par les Florentins de la renaissance, et qu’ils ont fait toutes les épreuves, celle de la monarchie despotique, celle de la division des pouvoirs et de la représentation restreinte ou étendue, celle de la république, celle même de l’extrême démagogie. Guichardin n’était point parmi eux l’esprit le moins curieux de cette mâle étude des institutions et des lois; il se plaisait à rechercher les principes sur lesquels reposent les sociétés, et nous trouvons précisément dans ses œuvres inédites de pareilles méditations, les plus dignes à son gré d’un homme vraiment libre.

Le Dialogue sur le gouvernement de Florence a été écrit après l’Histoire florentine. Nous le savons d’abord par Guichardin lui-même : il l’a composé, dit-il expressément aux premières pages, sous le pontificat de Clément VII (1523-1534), et au moment où ce pontife lui montrait une entière confiance, c’est-à-dire sans aucun doute lorsque, comme lieutenant-général du saint-siège, il commandait les troupes du pape, ligué avec la France. Quand nous n’aurions pas ce témoignage non équivoque de l’auteur, la lecture du Dialogue suffirait à nous démontrer que Guichardin l’a rédigé dans son âge mûr (il avait en 1530 quarante-huit ans). Ce n’est plus ici, comme tout à l’heure, la simple narration des faits auxquels il a assisté ou qu’il a entendu raconter par des témoins oculaires. S’élevant à un point de vue plus général, il demande à l’expérience un moyen de juger les théories politiques dont il a considéré les effets et une lumière pour la conduite de son esprit. Montant même plus haut encore et dans une région plus abstraite, il veut sonder les principes avec le secours d’une discussion paisible, sans doute marquée de bel esprit, mais inquiète et sincère :


« C’est, dit-il dans son proemio, une chose si belle, si honorable et si magnifique de considérer le gouvernement de la chose publique, d’où dépendent le bien-être, la sécurité et la vie même des hommes, et toutes les grandes actions qui s’accomplissent dans ce monde inférieur, qu’on ne peut