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maine sagesse et en ont fait par certains côtés d’attentifs et curieux annalistes. C’est pour cela que, parmi les œuvres nouvellement connues de Guichardin, l’Histoire de Florence doit appeler d’abord notre attention. Il est naturel d’estimer que le premier rang dans la série de ses œuvres suivant l’ordre du développement intellectuel doive appartenir à ses travaux historiques, car l’observation générale a naturellement précédé en lui soit l’expression des théories politiques telle que nous la rencontrerons dans le Dialogue, soit la composition de ces Ricordi, résultat suprême de ses méditations et dernier travail de sa vie. Nous verrons d’ailleurs des preuves matérielles confirmer ces conjectures. Si l’Histoire d’Italie de Guichardin, seule connue jusqu’à ce jour, et dont les nouveaux éditeurs promettent de nous donner enfin un texte authentique, ne semble pas prendre dans la série de ses travaux une place conforme à ce développement, c’est qu’elle est une œuvre un peu factice et moins personnelle, en dehors de ce développement intime, et nous montrant l’écrivain, — nous allions dire le rhéteur, — plutôt que l’homme lui-même. L’homme avec sa finesse et sa vivacité d’esprit, avec ses aversions et ses sympathies mal dissimulées, avec ses froids calculs, avec toute cette science pratique qui, le révélant à nos yeux, nous révèle aussi son temps, c’est dans les Œuvres inédites que nous le découvrirons. Il faudra interroger quelques-unes de ces pages où Guichardin étudie lui-même les diverses faces de sa pensée, où il pénètre les motifs variables de ses impressions, où néanmoins il cherche à distinguer un mobile supérieur à toutes ces influences passagères et intéressées. Ce mobile, chez Guichardin, est d’une morale plus haute qu’il ne semble à première vue, car il tient d’un côté à un amour sincère de la patrie, de l’autre à l’inquiétude qui saisit l’âme humaine en présence de la lutte constante que se livrent ses aspirations idéales et ses imperfections natives.


I.

Guichardin a pris soin d’indiquer lui-même, dans le texte de son Histoire florentine, la date de cet ouvrage. Il l’a écrit en 1509, quand il n’avait encore que vingt-sept ans. La grande histoire de Machiavel n’était sans doute pas encore commencée; Guichardin, son ami, l’aurait su et l’aurait dit, et cette œuvre en effet n’a été achevée et présentée au pape Clément VII qu’en 1525. L’Histoire florentine n’a pas été entreprise par suite de quelque dessein d’imitation; c’est une œuvre toute personnelle et non destinée à la publicité : Guichardin n’a voulu que fixer ses premières impressions sur les événemens dont il avait été le témoin, et sur ceux qu’il avait en-