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un passage qui leur est particulier par les Rivière-Rouge et Sascatchewan, et franchissent en une passe dite Bol-de-Punch [Punch-bowl-Pass) les Montagnes-Rocheuses; mais cette voie, praticable pour de hardis trappeurs, familiers avec les forêts et les déserts de ces régions, ne sauraient convenir à de simples voyageurs chargés de bagages. On en propose donc une nouvelle, plus méridionale, côtoyant les grands lacs du Canada et presque entière desservie par la vapeur. Il existe un chemin de fer anglais qui de Montréal remonte le Saint-Laurent, longe le lac Ontario en passant par Toronto, et aboutit à la pointe méridionale du lac Huron. De là, un autre chemin de fer, appartenant aux États-Unis, se dirige vers le lac Michigan, passe à Chicago, et arrive à Lacrosse sur le Mississipi. Il s’agit d’établir la nouvelle route sur cette ligne, de la faire ensuite remonter vers la Rivière-Rouge, qui peut porter de petits steamers jusqu’à Assiniboia, au midi du lac Winnipeg. De là, par une série de lacs et de rivières, on parvient sur une branche méridionale du Sascatchewan, et l’on franchit dans les Montagnes-Rocheuses la passe Vermillon. Il ne reste plus ensuite qu’à établir une route à wagons, longue de 400 milles, dans la direction de Hopetown, tête de la navigation du Frazer. Pour accomplir ce chemin, qui, en y joignant les trajets de Portland à Montréal et de Hopetown à Victoria, c’est-à-dire deux ports, l’un sur l’Atlantique, l’autre sur le Pacifique, n’embrasse pas moins de 3,178 milles, il ne faudrait, suivant l’estimation d’un des auteurs du système, qu’une durée de vingt-cinq jours.

Le gouvernement anglais se déterminera-t-il à subventionner cette grande entreprise? Verra-t-on la vapeur étonner les Indiens jusque dans leurs derniers campemens, et porter des populations européennes dans ces régions si longtemps inabordables à l’homme blanc? Si ce projet se réalise, ce sera surtout au profit de la Colombie, et de la côte nord-est du Pacifique. La colonie, que nous avons vue naissante et chétive encore, aura peut-être ses jours de grandeur et de prospérité ; mais ce ne sera pas non plus sans de grands avantages pour l’Angleterre. Il y a quelques années, dans les premiers temps de la découverte de l’or, la foule qui se pressait dans les ports de la Grande-Bretagne, demandant aux régions lointaines les ressources de son existence, suivit un double courant. Des émigrans, les uns se tournèrent vers les régions de l’or; le sol privilégié du Victoria et les bords aurifères du Sacramento les attirèrent par milliers. On sait quelles dures épreuves les y attendaient : pour quelques favorisés du sort, combien ont misérablement péri, ou sont revenus épuisés et pauvres comme ils étaient partis! D’autres, mieux avisés, ou instruits par l’expérience, s’en allé-