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eux fut soldé pour la somme de 13,000 livres sterling, sur lesquelles les acquéreurs déposèrent 10 pour 100. On voit que sous le 49e degré de latitude nord, à la côte du Pacifique, les terrains se vendent encore assez cher. Cette première impulsion ne s’arrêta pas. Une cour de justice, une prison, un presbytère, une église furent bâtis, et les habitans, au nombre de 500 environ, commençaient à communiquer leur activité commerciale et industrielle à la nouvelle cité, quand subitement on apprit que, sans autre motif que les caprices d’une administration peu soucieuse de ses propres intérêts, le titre de capitale était transféré en un lieu situé à quelque distance, sur la rive droite du fleuve. Toutefois, comme les décisions d’un arrêté administratif n’ont pas la vertu de prévaloir sur l’importance d’une bonne situation topographique, il est présumable que Langley continuera de se développer et gardera sa suprématie. Il ne semble pas en effet que la nouvelle fondation obtienne un grand succès; maigre les plans et les projets de ses ingénieurs, les colons l’ont baptisée du nom de cité fantôme.

Deux petites villes encore sont situées sur le Frazer : Hopetown, au confluent de la rivière Quequealla, point extrême de la navigation sur le fleuve en steamer et Yalé, à quelque distance au-dessus. Il est à remarquer que ces postes anglais ont pris la place de villages indigènes, qu’ils sont très avantageusement situés, et que les Indiens apportent une sagacité étonnante dans le choix des endroits où ils se fixent. Ils savent fort bien prendre en considération les ressources du sol, l’eau, le combustible, et, même la beauté du site.

La société dans ces villes naissantes a quelque chose des caractères de rudesse primitive qui les signalent elles-mêmes; les femmes y sont peu nombreuses, et bien que des concerts, des bals et même des représentations scéniques y soient organisés à l’imitation des grandes villes de l’émigration anglo-saxonne, cependant c’est surtout dans les jouissances actives de la chasse et de la pêche que les colons trouvent les distractions de la vie extérieure. Sous ce rapport, ils sont amplement favorisés; le gibier de terre et d’eau, qui fait le fond de l’alimentation indigène, leur est aussi d’une grande ressource. Des élans de grande taille descendent en troupes, durant l’hiver, dans les vallées de la côte ; en été, ils remontent vers les lacs et les hauteurs pour y respirer à l’aise. Ces animaux, excellens nageurs, se jettent souvent à la mer pour gagner les îlots du détroit. Les chasseurs de Victoria les poursuivent dans ces retraites; ils organisent des expéditions de quinze jours ou trois semaines, à la suite des- quelles ils rentrent avec un butin de trente ou quarante pièces pesant de 100 à 150 livres. Les Indiens suppléent par la ruse à l’infériorité de leurs armes, et prennent ces animaux dans des pièges