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et de reptiles. Le renard est le seul qui se chasse; c’est même en Angleterre un des plaisirs nationaux les plus goûtés. On sait que les Anglais font venir du continent une grande quantité de renards, qu’on appelle renards de sac. Comme ils ne connaissent pas le pays, ils ne se terrent jamais et se font chasser à courre.

Le nombre des bêtes de chasse est aujourd’hui assez restreint en France : le lapin, le lièvre, le chevreuil, le cerf et le sanglier sont à peu près les seules qui nous restent. Il n’en a pas toujours été ainsi, car les historiens nous rapportent que Charlemagne et ses successeurs chassaient autrefois dans les vastes forêts de leur empire l’aurochs et le bison, qui sont confinés aujourd’hui dans les plaines de la Pologne et de la Lithuanie. Les forêts étaient alors, suivant l’expression du poète, de véritables étables de bêtes sauvages, stabula alta ferarum; mais elles ont en grande partie disparu, et avec elles ceux de leurs habitans auxquels pour vivre il fallait des étendues sans limites. C’est ainsi que l’homme transforme sans cesse les pays où il s’installe; il en modifie l’aspect par les travaux qu’il exécute, il en change la production par la culture, il en fait varier la faune à son gré en détruisant certaines espèces, en introduisant certaines autres; véritable créateur, il ne produit pas, il est vrai, les élémens sur lesquels il exerce son action, mais il les combine de manière à en tirer le meilleur parti.

Parmi les herbivores dont la disparition serait le plus à désirer, il faut placer au premier rang le lapin, l’ennemi le plus dangereux peut-être que les forêts aient à redouter. Non content de manger au printemps les feuilles et les jeunes pousses, il s’attaque pendant l’hiver, alors que toute végétation est interrompue, à l’écorce même des arbres, qu’il ronge au collet de la racine. L’ascension de la sève ainsi arrêtée, l’arbre finit par périr. Il rend impossibles tous les travaux de repeuplement, car semis et plantations sont facilement dévastés par lui. Il se multiplie avec une grande rapidité. Un seul couple peut en une année produire jusqu’à cinquante individus, et par conséquent infester une forêt en moins de deux ans. Comme ces animaux creusent des terriers dans lesquels ils se réfugient au moindre danger, il est à peu près impossible de s’en débarrasser une fois qu’ils ont pris pied quelque part[1]. On en tue chaque année des milliers dans les forêts de la couronne sans que le nombre en paraisse diminué. Les renards seuls pourraient en avoir raison, parce qu’ils les poursuivraient au milieu des rochers et jus-

  1. Strabon rapporte que deux lapins apportés du continent aux îles Baléares s’y multiplièrent au point de faire écrouler les maisons par les terriers souterrains qu’ils creusaient, et qu’ils obligèrent les habitans à quitter le pays; ceux-ci envoyèrent une députation à Rome pour réclamer une autre patrie.