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jusqu’à cent cinquante souris. Grâce à une pupille très dilatable, ils peuvent voir pendant le crépuscule; c’est le moment qu’ils choisissent pour se mettre en chasse. Favorisés par la mollesse de leurs plumes, qui leur permet de voler sans bruit, ils surprennent leur proie à l’improviste, et s’en vont la dévorer dans les cavernes des rochers, dans le creux des arbres, où ils se blottissent pendant le jour, éblouis par la lumière du soleil. Les rapaces diurnes ne méritent pas la même protection, parce qu’ils font la guerre aux oiseaux plus faibles qu’eux, et nous privent par conséquent des services que nous rendraient ceux-ci.

L’ordre des grimpeurs nous offre deux espèces essentiellement insectivores, les pics et les coucous. Le premier de ces oiseaux, auquel M. Michelet propose de conférer le titre de conservateur des forêts, cramponné avec ses ongles d’acier sur le tronc des arbres, ramasse toutes les chenilles, guêpes, frelons, qu’il rencontre, puis, après avoir nettoyé complètement l’arbre, il l’ausculte en quelque sorte, pour reconnaître s’il ne renferme pas quelque ennemi intérieur qui le mine. Une fois sûr de son fait, il frappe l’arbre de son bec puissant et détache des copeaux de bois jusqu’à ce que le trou qu’il creuse lui fasse découvrir la larve dont il avait reconnu la présence. On poursuit souvent les pics comme des animaux nuisibles, on accorde même des primes pour leur destruction, parce que les trous qu’ils pratiquent rendent, dit-on, les arbres impropres au service. Rien cependant n’est moins fondé, car, ne s’attaquant qu’aux arbres déjà viciés, ils ne causent aucun dommage réel, et empêchent au moins le mal de devenir contagieux. Les coucous, dont le cri doux et monotone annonce au loin le retour du printemps, se nourrissent surtout de noctuelles et de processionnaires, que les autres oiseaux ne peuvent manger à cause des poils dont elles sont couvertes. On raconte qu’en 1847 une forêt de sapins de la Poméranie fut sauvée par une bande de coucous en migration, qui s’y installa pendant quelques semaines et la débarrassa complètement des chenilles qui la dévoraient.

Comme l’ordre des grimpeurs, celui des passereaux ne renferme que des espèces utiles. Si parmi elles il en est quelques-unes qui se nourrissent plus particulièrement de graines, il n’en est pas qui ne rachètent le dommage qu’elles causent de cette façon par les services qu’elles rendent d’une autre manière. Les moineaux eux-mêmes sont loin de mériter les malédictions dont ils sont l’objet de la part des cultivateurs. M. de Quatrefages rapporte dans ses Souvenirs d’un Naturaliste que Bradley a conclu, d’expériences répétées, qu’un couple de vieux moineaux porte à sa couvée au moins 40 chenilles par heure, soit 481 par douze heures de jour, ou