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REVUE DES DEUX MONDES.

le voisin, montrant le pavé.

Ah ! vous pensez toujours à vos gryphées, à vos gibbosités !

Durand.

Non ! c’est un autre pavé qui, en parlant par métaphore, m’est tombé sur la tête, un pavé bien plus lourd, et qui m’a surpris dans mon rêve de bonheur égoïste ! Mais vous aviez raison, mon ami, les rêves nous égarent, et il faut quelquefois faire comme tout le monde. (Regardant Coqueret, qui lui présente son habit.) Les gens les plus simples en savent quelquefois plus long sur la morale du cœur et les délicatesses de la conscience que les plus orgueilleux savans. (Passant son habit.) Vous permettez ? (À Coqueret.) Merci, mon garçon ! Et la cravate ?

Louise, qui est entrée avec la cravate.

Voilà, monsieur !

le voisin, pendant que Durand met sa cravate.

Je suis content de vous voir dans le vrai. Avec un homme d’esprit comme vous, il y a toujours de la ressource… J’étais fâché contre vous tantôt ! oh ! mais très fâché. Je le disais à ma sœur…

Durand.

Tiens ! Elle est donc chez vous, votre sœur ?

le voisin.

C’est elle qui veut vous voir. Sans elle et sans ma nièce, qui a pris votre parti…

Durand, qui met des souliers avec l’aide de Coqueret.

Et votre nièce aussi est chez vous ? Diable !…

le voisin.

Comment, diable ! … allez-vous me dire encore qu’elle est trop grande, trop petite, trop brune, trop blonde ? Tenez ! ces dames ont voulu venir vous enlever. Elles sont là, dans ma voiture. Regardez ! (Il le mène à la fenêtre.)

Durand.

Comment ! c’est là votre nièce ? Eh bien ! ce n’est pas elle que j’avais vue ! Je ne la connaissais pas du tout.

Louise, près de la fenêtre.

Ah ! monsieur, elle est belle comme un ange, cette dame !

Durand.

Oui, certes ! une beauté sérieuse et douce !

Louise.

Vous voyez bien que vous avez des yeux !

le voisin.

Rendez grâce à votre étoile, mon cher ! Elle est entichée de science,