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REVUE DES DEUX MONDES.

Durand, jouant mieux son rôle.

Ma chère enfant, tu me conteras cela un autre jour. Tu vois que je n’y ai pas la tête aujourd’hui. J’ai mille préoccupations beaucoup plus graves : un travail à terminer, des affaires à régler, des préparatifs,… car tu sais qu’il est question pour moi d’un mariage avantageux.

Louise.

Ah ! vraiment, monsieur ? vous voilà décidé ? Quel bonheur !

Durand.

Quel bonheur, quel bonheur !… Pour moi, oui, peut-être ! mais pour toi ? Si tu déplais à ma femme ?…

Louise.

Oh ! que non, monsieur ! Je l’aimerai tant ! je la servirai si bien ! Vous verrez qu’elle m’aimera aussi !

Durand.

Espérons-le. Pourtant… tu es jeune… tu n’es pas… précisément jolie… Es-tu jolie ? passes-tu pour jolie, toi ? J’avoue que ne m’y connais guère, et que l’habitude que j’ai de ta figure fait que je ne la juge pas.

Louise.

Eh bien ! monsieur, je ne suis pas du tout jolie ; mais qu’est-ce que cela peut faire à madame ?…

Durand.

Ah ! tu sais, il y a des femmes jalouses,… ridicules ! Si la mienne allait se persuader que je t’ai remarquée, que j’ai du plaisir à te regarder ! Ce serait assurément une grande folie, une grande erreur ! De ma vie je n’ai songé…

Louise.

Oh ! monsieur, je le sais bien, et madame verra bien vite qu’elle peut être tranquille là-dessus, surtout si je suis mariée…

Durand.

Ah ! voilà. C’est ce qu’il faudrait ; mais tu ne veux pas ! tu hésites du moins.

Louise.

Oh ! mon parti est pris. Du moment que ça peut être utile, nécessaire même au repos et au bonheur de monsieur, je suis bien contente de pouvoir contenter monsieur.

Durand, avec ironie.

Il ne faudrait pourtant pas te sacrifier !

Louise.

Non, monsieur, je ne me sacrifie pas, et si vous me permettez de suivre mon inclination…