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LA QUESTION ROMAINE.

clésiastiques. On le voit donc, la majorité du sacré collége, qui, réparti en congrégations, décide des affaires ecclésiastiques, est l’émanation réelle du temporel ; elle est formée de ces personnages étranges, à la fois faux laïques et faux ecclésiastiques, qui, avant d’être cardinaux, portaient le nom de prélats. On pourra équivoquer sur le mot, il est impossible de contester le fait : à coup sûr, cet élément qui domine parmi les cardinaux in curia est un élément étranger à l’église, à l’épiscopat, à la charge des âmes, à l’apostolat dont le sacré collége doit être la plus haute expression.

Montrons un autre effet de la confusion des deux pouvoirs, où les intérêts de l’église sont encore subordonnés à ceux du temporel. Comme chef de l’église et comme prince temporel, le pape, dans ses rapports avec l’étranger, se sert du même ministre, qui est en même temps le principal, sinon le seul ministre réel des affaires de l’état dont le pape est souverain. Le dualisme des fonctions qui se réunissent sur un pape prince temporel, dualisme aussi radical que celui qui sépare l’église de l’état, la révélation de la raison, la foi de la science, les choses de Dieu des choses du monde, vient ainsi s’incarner en un seul homme, dans la personne du secrétaire d’état. Le cardinal secrétaire d’état correspond avec tous les nonces et les ministres de la cour de Rome à l’étranger, et par là avec l’universalité des évêques. C’est lui qui, de l’univers catholique au pape et aux congrégations, rapporte les affaires, et c’est lui qui transmet les décisions des congrégations et du pape aux nonces et aux évêques. On saisit l’importance d’une pareille fonction au point de vue religieux, puisqu’elle est l’intermédiaire obligé du gouvernement de l’église. Le caractère de celui qui la remplit ne saurait être indifférent, et il semble que c’est surtout aux qualités et à la direction religieuses de sa vie que l’on devrait demander le signe de son aptitude. Depuis 1815, sauf de très courts intervalles, dans un espace de près d’un demi-siècle, la secrétairerie d’état a été gérée par des cardinaux. Cinq cardinaux ont occupé ce ministère, Consalvi, Bernetti, Albani, Lambruschini, Antonelli. Sur les cinq, un seul, Lambruschini, avait suivi tous les degrés de la carrière ecclésiastique : prêtre, théologien, évêque, nonce, archevêque, cardinal. Les quatre autres sortaient de la carrière civile et étaient parvenus au pouvoir et au cardinalat par les emplois laïques et la prélature. Quatre fois sur cinq, durant le dernier demi-siècle, c’est donc du pouvoir temporel qu’est sortie la direction suprême qui s’est étendue au gouvernement des affaires ecclésiastiques ; quatre fois sur cinq, c’est le faux laïque ou le faux ecclésiastique, quelque définition qu’on en veuille donner, qui a eu dans les mains les relations de la papauté avec l’église. Aujourd’hui même, dans la crise que traverse le pouvoir de la papauté, c’est