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posent son état politique et le développement des travaux publics. L’Italie a le royaume de Naples à pacifier, une conquête d’un autre genre et plus difficile que celle que Garibaldi avait si lestement accomplie. L’Italie a peut-être à fortifier son ministère, dont quelques membres sont fatigués d’une session qui a réclamé d’eux une rare énergie de travail.

L’emprunt italien a obtenu, même avant l’ouverture de la souscription, un succès signalé. C’est une victoire qui fait un remarquable honneur au ministre des finances, M. Bastogi. La fortune sourit depuis trois ans à l’Italie, et la richesse naturelle de ce pays lui promet, sous un gouvernement libre, de prospères finances. Un emprunt de 500 millions n’en était pas moins une difficulté énorme pour un état naissant, qui a encore sur les bras de si grosses affaires. Pour tenter cette première expérience du crédit italien, il fallait que les anciennes dettes des divers états qui composent le nouveau royaume fussent ramenées à un type uniforme, il fallait opérer l’unification de la dette. Ce préliminaire accompli, il restait à choisir le meilleur système pour la négociation de l’emprunt. Une maison de banque se chargerait-elle seule d’une opération si lourde? Dans la situation de l’Italie, on ne pouvait l’espérer. Essaierait-on du système appliqué en France des souscriptions publiques? Il n’était pas prudent de tenter ce hasard auprès d’un public novice aux grandes spéculations financières comme le peuple italien. Si les Italiens n’eussent point couvert l’emprunt, l’échec moral eût aggravé l’échec financier. On ne pouvait s’exposer à un tel péril. Enfin se fierait-on aux seules soumissions des capitalistes, et attendrait-on de la concurrence de leurs offres le prix le plus avantageux pour l’émission de la nouvelle rente? Mais c’est le procédé par lequel emprunte le pays le plus avancé en crédit, l’Angleterre, et il eût été chimérique de rêver de tels avantages pour le coup d’essai du crédit italien. On voit que les difficultés étaient nombreuses, complexes, et qu’il fallait une tête et une main habiles pour en venir heureusement à bout. M. Bastogi a rempli sa mission avec autant d’adresse que de bonheur. Il a commencé par faire l’unification des dettes italiennes, beau travail, hérissé de détails, qui est son œuvre toute personnelle, et auquel son nom demeurera attaché. Il a ensuite combiné avec dextérité les divers modes de négociations qui pouvaient être employés pour le placement de l’emprunt, usant de la concurrence des soumissions et de la souscription publique, et obtenant des soumissionnaires que la fixation du prix d’émission fût laissée à sa propre discrétion. Il a établi ce prix à 70, 50, et a vu affluer en si grande abondance les offres des prêteurs qu’elles ont dû subir une réduction de 42 pour 100. Les prêteurs et l’Italie ont fait chacun une excellente affaire. Les prêteurs ont un fonds d’état plein d’avenir à un taux qui représente un placement à plus de 7 pour 100. L’Italie s’est procuré les ressources qui lui sont nécessaires, et a trouvé une nouvelle et magnifique occasion de montrer la confiance qu’elle inspire à ses populations et à l’étranger.