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jours le plus grand membre de la chambre des communes. Dans cette hiérarchie, la seconde place appartenait assurément à lord John. Il est rare de voir ces grands commoners quitter volontairement la scène familière où ils se sont élevés et sur laquelle ils ont vieilli. Ce qui aurait dû, ce semble, y retenir lord John, ce sont les lents progrès de la carrière qu’il y avait remplie. Il ne lui avait pas été donné, comme à Fox et à Pitt, d’être porté dès sa jeunesse à la tête de son parti. Ses débuts, comme ceux de lord Palmerston, avaient été obscurs. L’assiduité, l’application, la constance, lui avaient à la longue donné cette première place dont d’autres se sont emparés du premier coup par l’éclat souverain du talent et l’ascendant du caractère. Le grand mérite de lord John a été son inflexible fidélité à cette cause qu’il appelle volontiers lui-même la cause de la liberté civile et religieuse. Cette fidélité de près d’un demi-siècle aux mêmes principes, et les victoires progressives et considérables qui l’ont accompagnée, assureront toujours une grande autorité à lord John Russell au sein du libéralisme européen, car, l’histoire de notre siècle l’a démontré, il y a une réelle solidarité entre les libéraux des diverses contrées de l’Europe. A une certaine hauteur, aucun de ceux qui ont servi avec éclat la cause commune ne peut, malgré les différences nationales qui nous séparent, nous être tout à fait étranger, et parmi les Anglais lord John Russell est du petit nombre de ceux qui ont compris cette solidarité et qui ne l’ont jamais reniée; mais, malgré le souvenir qu’il a rappelé lui-même des funérailles de Charles-Quint, la chambre des lords n’est point une sépulture, et il n’y a pas lieu, grâce à Dieu, de faire l’oraison funèbre de lord John Russell. L’illustre homme d’état participe à-cette vitalité qui semble être, de notre temps, un des plus merveilleux effets de la vie politique anglaise, et qui se révèle par de vrais miracles de longévité. Ce n’est pas la maladie ou la décrépitude qui le conduit dans la chambre des lords. Il y aura, dans le parti libéral, la première place, qu’il n’avait plus dans la chambre des communes, et qu’il avait lui-même abdiquée avec une noble abnégation. Il y conservera l’importance qui s’attache à la direction des affaires étrangères dans le temps où nous vivons. Il relèvera par son intervention les débats de la chambre haute. Il y commettra sans doute quelques-unes de ces témérités à froid qui sont un des traits de son esprit et de son caractère, et qui lui ont attiré plus d’une fois les sarcasmes de lord Derby. Il y excitera, dans des chocs que déjà l’on attend avec curiosité, l’éloquente verve du chef des tories.

La France, parmi les grands pays de l’Europe, a été la première à prendre ses vacances politiques : l’on s’en aperçoit à la stérilité de notre vie politique intérieure, si peu vivace d’ailleurs en d’autres saisons. D’intéressantes questions de presse viennent cependant de se vider devant les tribunaux. M. le duc de Broglie, en se désistant du procès qu’il avait intenté à M. le préfet de police, s’est tiré avec les honneurs de la guerre de l’aventure bizarre où l’avait entraîné l’administration par la saisie des épreuves auto-