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ainsi la faveur de la Porte-Ottomane. Il y avait de plus une autre cause qui, au mois de mars, faisait l’impuissance de la commission internationale : c’était l’évacuation de la Syrie par les troupes françaises, évacuation qui pouvait être retardée jusqu’au 5 juin, mais qui était décidée en principe, et cette décision ôtait d’avance toute force et toute autorité à la commission internationale. L’Europe en effet était représentée en Syrie par les troupes françaises et par la commission. Ces deux interventions, l’une militaire et l’autre diplomatique, s’appuyaient l’une sur l’autre ; elles étaient fortes et elles étaient faibles l’une par l’autre. Aussitôt qu’il était décidé que l’intervention militaire devait cesser, l’intervention diplomatique perdait du même coup son efficacité, et la Porte-Ottomane, qui s’était résignée à l’intervention plutôt qu’elle ne l’avait sincèrement acceptée, se hâtait de se débarrasser par elle-même du contrôle de la commission internationale, après s’être débarrassée, à l’aide de l’Angleterre, du frein des troupes françaises ; elle jouissait partout de la liberté d’action ou d’oppression qu’elle avait recouvrée contre les chrétiens.

J’ai raconté les deux échecs de la commission internationale tels que je les trouve exposés dans les documens anglais. Il me reste à voir ce qu’elle a fait pour remplir la dernière et la plus importante mission dont elle était chargée, la réorganisation de la Syrie. A-t-elle mieux réussi sur ce point que sur les autres ? Y a-t-elle rencontré les mêmes obstacles et les mêmes difficultés ? Que faut-il penser du système qui a été adopté ? Mais avant d’aborder cette dernière question, qui sera l’objet d’une troisième étude, je veux faire une réflexion générale sur la commission internationale et dire à quoi elle a servi, car il me serait trop pénible, en finissant sur les deux points que j’ai traités, de laisser croire que cette commission n’a servi à rien.

La commission de Beyrouth n’a, il est vrai, réussi à obtenir ni la répression ni la réparation qu’elle voulait, je suis forcé de le reconnaître ; mais elle a produit dans le présent un bon effet, et elle a créé pour l’avenir un bon précédent. Dans le présent, elle a contribué, avec nos troupes, à rassurer les populations chrétiennes de la Syrie ; elle leur a montré que l’Europe s’occupait d’elles, prenait part à leurs désastres et voulait de bonne foi prévenir les maux dans l’avenir et les réparer dans le présent. Songez à l’état de démoralisation dans lequel les massacres de Damas, de Zaleh, de Déir-el-Kamar, de Rasheya, d’Hasbeya, etc., avaient jeté nos frères de Syrie. Ç’a été pour eux une sorte de retour à la vie que de savoir qu’ils avaient en Europe des protecteurs, que l’Occident ne leur envoyait pas seulement des soldats pour les sauver du glaive musulman.