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préoccupé du problème de la jonction des deux mers, fit explorer les vallées du Kour et du Rion dans l’espérance de pouvoir établir au pied méridional du Caucase cette voie commerciale qu’il ne pouvait ouvrir au nord de la chaîne. La cession du Kour à la Perse empêcha les recherches d’aboutir ; mais l’énormité des travaux à entreprendre pour l’ouverture d’un canal à travers cette région accidentée aurait sans aucun doute fait reculer Pierre le Grand. Lorsque Pallas eut enfin exploré et pour ainsi dire découvert la vallée du Manytch occidental, on put se faire une idée de l’ancienne communication des deux mers par le détroit ponto-caspien, et le projet d’un canal fut repris par les savans. Perrot, le premier, proposa d’utiliser la dépression du Manytch en y ouvrant une artère commerciale ; mais c’est depuis les explorations de M. de Baer et surtout de l’inspecteur des salines Bergstræsser que l’entreprise du canal du Manytch se discute sérieusement. Pendant quelques mois, ce projet détourna l’attention publique des grandes spéculations de chemins de fer.

À peu près à égale distance des deux mers, au milieu de la dépression ponto-caspienne, se trouve un lac allongé ou plutôt une chaîne de marécages aux bords obstrués de roseaux : c’est le lac Manytch, dont l’eau se déverse dans le Don par une rivière paresseuse qui porte aussi le nom de Manytch. Au sud du lac, les contre-forts du Caucase donnent naissance au torrent Kalaous, qui coule d’abord directement au nord, puis, arrivé à quelques verstes du lac, oblique à l’est et au sud-est pour courir parallèlement à la dépression de l’isthme et s’y jeter à une petite distance en amont du lac. On croyait naguère que le Kalaous, uni à un affluent venu des steppes de l’est, allait perdre toutes ses eaux dans le lac Manytch et n’arrosait ainsi qu’un seul versant de l’isthme, celui de la Mer-Noire. Il n’en est pas ainsi. Arrivé dans la dépression ponto-caspienne, le Kalaous se ramifie en un grand nombre de bras dont plusieurs disparaissent sous les sables, tandis que d’autres se dirigent à l’est vers le lac Chara-Chul-Ussun, situé déjà sur le versant de la Caspienne, et coulent ensuite dans la direction de cette mer, en empruntant une vallée qui est la continuation de celle du Manytch et à laquelle on donne le même nom. Au printemps, lors de la fonte des neiges, et vers la fin de l’automne, après les grandes pluies, le Kalaous roule une quantité d’eau considérable et se partage entre les deux Manytch, l’un tributaire de la mer Caspienne, l’autre de la mer d’Azof. La plaine, en apparence parfaitement unie, qui sépare le lac Manytch du lac Chara-Ghul-Ussun forme donc le véritable seuil entre les deux bassins maritimes : c’est le point le plus élevé de l’isthme.

En explorant lui-même le col de partage, M. de Baer recueillit sur la vallée du Manytch oriental les témoignages de nombreux