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Ourt, la partie septentrionale de sa rive orientale ne gagnerait qu’une faible largeur sur le continent ; mais, plus au sud, la mer, refluant dans les golfes de Karaboghaz, de Balkhan, de Kbiva, envahirait le désert de la Tartarie et reformerait une grande partie du détroit qui l’unissait jadis au lac d’Aral : peut-être même ne ferait-elle avec cette vaste nappe d’eau et les lacs environnans qu’une seule méditerranée, car l’élévation du niveau de l’Aral au-dessus de la Mer-Noire, élévation qui, d’après les observations barométriques de M. Struve en 1858, serait d’environ 7 mètres et 1/2, pourrait fort bien n’être pas confirmée par les nivellemens géodésiques. Humboldt a désigné sous le nom de concavité du bassin caspien cette énorme étendue de terrain, comparable à la superficie de la France, que la Caspienne recouvrirait de ses ondes, si elle remontait soudain au niveau de la Mer-Noire. Il est impossible de séparer l’étude de ce bassin desséché et celle de la dépression que remplissent encore les eaux ; bien que les plaines d’Astrakhan soient aujourd’hui transformées en terre ferme, leur histoire ne se confond pas moins avec l’histoire de la Caspienne.

Certes ces plaines basses n’ont rien de pittoresque : elles ne peuvent se comparer au rivage du Mazandéran, où les plages ombragées de palmiers, les collines verdoyantes et les lointains horizons bleuâtres que domine le cône du Demawend forment une succession d’admirables paysages ; elles n’offrent qu’un spectacle ennuyeux à ceux qui ont pu voir les monts du Caucase étalant au-dessus des eaux leurs larges terrasses de verdure, ou le défilé des Portes-de-Derbend gardé par sa ville bâtie en amphithéâtre et semblable à une pyramide aux gigantesques degrés de pierre ; mais, quelles que soient la désolation et l’uniformité des steppes, c’est là que les voyageurs ont pu le mieux lire sur le sol l’histoire récente de la Russie méridionale. Les montagnes nous parlent d’un passé trop lointain, leurs cimes superbes se dressent, pour ainsi dire, au-delà des temps ; les empreintes gravées sur leurs assises de rochers témoignent de tant de changemens et de révolutions qu’en les étudiant l’esprit reste souvent confondu. Plus modestes, offrant moins de problèmes à résoudre, les steppes sont aussi plus faciles à explorer ; leur surface, nivelée graduellement par les eaux, raconte clairement au géologue l’œuvre de l’Océan.

Les Russes divisent, suivant la nature du sol, les plaines de la Mer-Caspienne en steppes de sable ou d’argile, en steppes rocheux et en steppes salins. Les premiers forment la plus grande partie du bassin occidental de la Caspienne ; les steppes rocheux s’étendent à l’est dans la direction de la Tartarie ; les plaines salines occupent une étendue considérable entre le cours du Volga et celui de