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gris par le jeûne. Ce fut bien pis quand il voulut prescrire à ses clercs un régime conforme au sien, quand il leur interdit par exemple d’aller, comme ils faisaient, quêter des dîners à la table des grands et mener la vie de parasites sous le costume de prêtres. « Les deniers de l’église, disait-il, devaient suffire à la nourriture des clercs. » Le clergé en masse réclama : l’évêque tint bon ; mais l’abus trop enraciné n’en persista pas moins, malgré ses menaces.

Après les clercs, ce fut le tour des veuves ou diaconesses, espèce d’ordre ecclésiastique féminin, chargé primitivement du service des femmes admises au baptême par immersion, utilisé ensuite pour divers ministères dans l’intérieur des églises. Ce titre était fort recherché par les veuves de haut rang auxquelles il procurait une position respectable, sans leur enlever entièrement la fréquentation du monde ; aussi beaucoup n’y cherchaient qu’un manteau dont elles couvraient leur vie dissipée. L’austère Chrysostome les fit comparaître toutes devant lui, et, après une enquête sur les habitudes de chacune d’elles, il en renvoya plusieurs en leur conseillant de se remarier au plus tôt. Des veuves, il passa aux sœurs. Les sœurs adoptives formaient une autre classe de femmes qui tenaient, sinon à l’église, du moins aux ecclésiastiques. Quoique le célibat à cette époque ne fut point de rigueur pour les clercs, beaucoup le préféraient au mariage, afin de s’épargner les charges et les ennuis d’une famille. Ils prenaient alors chez eux une jeune fille, quelquefois non encore nubile, la logeaient sous leur toit, où elle vaquait aux soins du ménage, et le frère et la sœur électifs étaient censés ne devoir plus se séparer qu’à la mort. On voyait ainsi des enfans abandonner leur famille pour des hommes qui ne leur étaient rien ; quelquefois même c’étaient des vierges consacrées qui, par une confiance excessive dans leur force, croyaient concilier leur vœu de chasteté avec ces liens de fraternité menteuse. En Orient, ces sortes de sœurs par élection s’étaient donné le nom de vierges agapètes, c’est-à-dire vierges d’amour spirituel (agapê étant l’amour de Dieu par opposition à erôs, l’amour mondain) ; en Occident, elles prirent communément celui de femmes sous-introduites. Leur tolérance avait amené dans le clergé une corruption morale extrême, contre laquelle les censeurs ecclésiastiques ne cessaient de tonner, soit en Orient, soit en Occident. Saint Jérôme qualifiait ces fausses sœurs « d’épouses sans mariage, de concubines d’un nouveau genre, de courtisanes d’un seul homme. » Chrysostome, plus hardi dans l’énergie de son blâme, s’écria un jour qu’un évoque qui souffrait ces désordres avait moins d’excuse que les entremetteurs de débauches publiques. Il résolut d’extirper le mal dans son église ; mais les mesures qu’il prit, trop brusques et trop violentes, manquèrent d’abord leur but.