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motion a été rejetée par une majorité considérable dans une autre séance. Wakefield demeure donc pour le moment frappé d’interdit. Les tories ont paru essayer de prendre leur revanche à propos d’un bill relatif également à une question électorale. Ils ont demandé, se trouvant en nombre, à la fin d’une séance, que la chambre votât la troisième lecture de ce bill. C’était une niche à M. Gladstone, grâce à laquelle ils espèrent lui enlever le collège de l’université d’Oxford, en faisant voter une clause qui permettrait aux membres de l’université de voter par procuration. C’est encore en proposant l’ajournement, plusieurs fois repoussé, que lord Palmerston a fatigué les tories et leur a fait lâcher prise. Ces misères de la fin de la session, en somme peu profitables aux tories, ont été effacées par la discussion sur les affaires de Pologne et par les explications que lord John Russell a données, en réponse à M. Kinglake, sur la question de Savoie et les réclamations suisses. Il semble que, dans le discours auquel nous faisons allusion, lord John Russell ait tenu à en finir avec la question de Savoie. Les puissances continentales n’ont pas voulu prendre en considération les réclamations suisses et les soumettre au jugement général d’un congrès européen. Que pouvait lord John Russell après ce résultat ? S’en laver les mains, et c’est ce qu’il fait en rejetant sur les puissances la responsabilité de leur mauvais vouloir. Il se console en constatant que les relations entre la France et l’Angleterre sont établies sur le pied de l’amitié, déclaration dont on ne saurait trop se réjouir, si elle devait rapporter aux Anglais et à nous quelques économies de canons rayés et de vaisseaux cuirassés.

La cause polonaise a en Angleterre assurément de fidèles et généreux amis : la récente discussion qui a eu lieu à la chambre des communes sur les affaires de Pologne n’a peut-être point répondu cependant à ce que l’on devait attendre de l’assemblée la plus libérale de l’Europe. On comprend la réserve dont lord John Russell, lié par sa position officielle, a dû accompagner les sincères témoignages de sympathie qu’il a donnés au malheur des Polonais. On aurait souhaité que des orateurs influens, plus libres que le ministre, eussent adressé au gouvernement russe quelques remontrances plus chaleureuses. La Russie est dans une situation qui devrait d’ailleurs la porter d’elle-même aux justes concessions que réclame la Pologne. Ce grand empire russe, qui a de si vastes ressources, se laisse consumer par une sorte de phthisie financière. C’est le mal qui atteint infailliblement tous les despotismes. La Russie a encore un malheur commun à tous les gouvernemens absolutistes, dont le vice et à la fois le châtiment sont de ne point vouloir et de ne pouvoir pas appeler aux affaires les esprits élevés et les hommes d’un vrai talent, auxquels le pouvoir répugne lorsqu’il y faut entrer sous la livrée de la domesticité : le gouvernement russe montre une rare incapacité financière. Des capitaux considérables de l’Occident s’étaient engagés dans la construction des chemins de fer russes avec une étourderie confiante. Ils pensaient du moins que le gouvernement de Pétersbourg aurait