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possible ; les systèmes erronés de finances et d’économie dans lesquels nous sommes engagés, combattus énergiquement à l’origine et dans chacune de leurs premières manifestations décisives, eussent été redressés à temps. M. Mirés lui-même, à l’heure qu’il est, ne doit-il pas penser qu’il eût tiré un meilleur parti de ses facultés naturelles et de cette ardeur entreprenante qui a fixé sur lui l’attention publique, s’il avait eu à compter avec le sévère contrôle de journaux indépendans, au lieu de s’emparer de l’influence d’une presse énervée et corrompue dans son principe ?

Après ce grand procès, dramatisé par l’énergie et l’activité de M. Mirés, et qui, nous le répétons, acquiert une véritable importance politique par les questions qu’il soulève soit sur le régime de la presse, soit sur les lois qui régissent en France les sociétés commerciales, soit sur le mouvement qui a été imprimé aux affaires depuis 1852, nous ne trouvons plus guère à l’intérieur de faits intéressans. M. le ministre de l’intérieur a bien publié une circulaire modeste et pratique qui élargit un peu l’action des préfets. Ces représentans du pouvoir exécutif sont autorisés à se réunir pour se concerter sur les intérêts communs aux départemens qu’ils administrent. Nous aurons ainsi des conciles provinciaux de préfets. Nous n’y trouvons pas à redire. Il est clair que, malgré la division administrative de la France en départemens, qui a exagéré l’arbitraire de l’ancienne délimitation des généralités, il subsiste en France des intérêts communs à nos vieilles provinces démembrées, dont la configuration et la constitution avaient été la conséquence même de cette communauté d’intérêts et l’œuvre du temps. Il y a donc dans l’autorisation nouvelle accordée aux préfets un principe conforme à la nature des choses et le germe peut-être d’un travail de saine décentralisation. Il reste à voir ce que cela deviendra dans l’application. Un document non moins important est la lettre de l’empereur annonçant la suppression du recrutement des engagés volontaires sur la côte d’Afrique. Personne n’était plus dupe du véritable effet des engagemens volontaires des noirs en Afrique. On savait que, malgré l’honnêteté du mot, la chose produisait des résultats analogues à ceux de la traite. C’étaient des esclaves appartenant aux petits chefs de la côte, des esclaves, butin de la guerre, et non des hommes libres, qui devenaient des engagés, et c’était à leurs maîtres, non à eux, que la prime d’engagement était payée. Dès l’affaire du Charles-et-George, nous demandions l’abandon de ce système. Une des chances de l’abolition de l’esclavage dans les sociétés participant à la civilisation européenne qui l’ont encore conservé, c’est que les cultures qui réclament le travail des noirs se puissent établir dans le pays même des noirs, en Afrique. Pour atteindre ce résultat, il faut que les noirs d’Afrique soient intéressés par les profits du commerce à s’appliquer chez eux à ces cultures. Les bénéfices que les chefs africains tirent de la traite et des engagemens les détournent de ces grands et féconds intérêts de l’agriculture et du commerce. Privés de ces odieux profits, leur cupidité les obligera bientôt à se tourner vers une source d’avantages plus légitimes. Ceci n’est point