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et aux péripéties très diverses. Dans cette carrière de grandeurs et de désastres qui compose le XVIIe siècle, la paix de Nimègue est le point culminant, la paix de Ryswyk est une sorte de point d’équilibre, comme une halte avant le déclin, avant la formidable étreinte de la guerre de la succession d’Espagne, et cette paix de Ryswyk, on le sait, a pour prologue la paix d’Italie, négociée entre deux combats avec le duc de Savoie Victor-Amédée II. C’est alors, dans ce monde où règnent Louis XIV vieilli et Mme de Maintenon, où s’agite la foule des courtisans et des princes légitimés, qu’apparaît la jeune duchesse, rejeton vivace de cette vivace maison de Savoie qui poussait ses rameaux dans toutes les cours, et qui eut vers le même temps ou à peu d’intervalle deux filles de son sang reines ou presque reines. L’une porta la couronne en Espagne et fut la reine Marie-Louise-Gabrielle, la première femme de Philippe V ; l’autre était faite pour régner en France : ce fut Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne. Les deux sœurs se ressemblaient par je ne sais quelle grâce fière et charmante. Une alliance de famille entre les deux cours n’avait rien de nouveau ; c’était au contraire une tradition. Ce mariage de Marie-Adélaïde de Savoie et du petit-fils de Louis XIV se fit pourtant d’une façon singulière.

On était au moment où se préparait cette évolution qui allait faire passer Victor-Amédée du camp des alliés dans le camp de la France. Louis XIV réclamait comme otage une des filles du duc. On négociait secrètement tout en se battant, lorsqu’un jour un envoyé de Victor-Amédée, Gropello, arrivait à Pignerol, où était le comte de Tessé, avec la mission de remettre un portrait de la jeune princesse. Ce fut l’idée première du mariage qui devint une des conditions de la paix négociée par Tessé et étrangement disputée par Victor-Amédée. La paix se fit en effet à Turin le 29 août 1696, et en même temps Marie-Adélaïde de Savoie fut fiancée au duc de Bourgogne. Elle devait être conduite en France pour y être formée aux usages de la cour et achever son éducation sous les yeux de Mme de Maintenon, en attendant que le mariage pût être accompli : elle avait onze ans à peine, et le duc de Bourgogne en avait treize ! Il est vrai que le contrat de mariage de la jeune duchesse disait qu’elle était « douée de-connaissance et de jugement au-dessus de son âge. » C’est ainsi que cette enfant précoce devenait comme un gage de paix et partait pour la France non plus comme otage, mais comme future dauphine. Elle quittait sa petite cour de Turin le 7 octobre, avec Tessé et tout un cortège savoyard qui la conduisit jusqu’à Pont-de-Beauvoisin, où elle fut reçue par Dangeau, et le 14 novembre elle se trouvait auprès de Louis XIV, qui était allé l’attendre à Montargis. C’était désormais la duchesse de Bourgogne, quoiqu’elle ne dût