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le général Kouenn-voun, qui, dans cette solennelle occasion, devait remplir lui-même le rôle d’exécuteur. Cette fois Hienn-foung n’avait pas fait grâce. Le complice du coupable fut lui-même son bourreau.

Ce terrible exemple eut d’abord de salutaires résultats. Avant la fin de 1854, d’importans avantages vinrent couronner dans le Hou-pé les efforts des impériaux. Leurs adversaires, après avoir essuyé plusieurs défaites en rase campagne, furent contraints, dès le mois de décembre, d’évacuer toute la partie méridionale de la province ; mais le printemps de 1855 les ramena au Ngan-hoeï, où ils avaient pris leurs quartiers d’hiver, et leur rendit les villes qu’ils avaient perdues ; battus près de Lo-tienn, ils ne tardèrent pas à venger cette défaite en égorgeant huit cents Mandchoux surpris par eux dans une embuscade, et ajoutèrent bientôt à leurs conquêtes la préfecture de Teh-ngann, qui limite au nord celle de Han-yang. S’il faut en croire la Gazette de Pékin, de grands revers ont suivi dans le Hou-pé depuis l’automne de 1855 ces nouveaux succès de l’insurrection, et l’étendard de Taï-ping-ouang n’y flotte plus en ce moment que sur des positions sans importance. Les soldats de l’empereur ont conquis de nouveau pour leur maître Han-yang et Vou-tchang. Cette dernière ville a été reprise par le général Houlinn-yi, qui a reçu pour récompense la charge de gouverneur du Hou-pé ainsi que le bouton de première classe ; le bourreau de Tsing-ling, le général Kouenn-voun, a recueilli également d’éclatans témoignages de la faveur impériale.

Pendant que les armées de Hienn-foung sont aux prises avec les hordes rebelles qui infestent dans le Hou-pé les rives du grand fleuve, les autorités impériales ont à soutenir contre l’insurrection, dans la province frontière, le Hou-nan, une lutte non moins laborieuse. Au nord, Yo-tchao-fou, qui baigne ses murailles dans le lac Toung-ting[1], est successivement prise et reprise ; Siang-yin et Tchang-tih sont perdues, et on ne dit point qu’elles aient été réoccupées. Au sud, les bandes du Kouang-tong et du Kouang-si font des irruptions fréquentes : elles repassent les frontières aux approches de la saison froide ; mais on les voit régulièrement reparaître au printemps quand les caisses publiques, déjà pillées par elles, commencent à se remplir, et quand les moissons mûrissent. En réalité, depuis huit ans l’empereur ne règne plus dans le Hou-kouang. L’anarchie et la guerre civile y exercent seules leur sanglant empire.

  1. Le lac Toung-ting, situé au nord du Hou-nan, est le plus grand de la Chine ; il reçoit les eaux du Yonen et du Siang, deux grandes rivières qui viennent, l’une de l’ouest, l’autre du nord, et communique par un large canal avec le Yang-tze-kiang. Le Toung-ting a plus de quatre-vingts lieues de tour.