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en vain d’arrêter l’ardeur des troupes impériales en tentant leur cupidité : elles dédaignèrent les objets précieux qu’ils avaient semés à dessein sur les routes où ils passaient, leur firent essuyer une sanglante défaite près du village de Tzé-haï et les contraignirent à se jeter dans Sou-tching. L’avant-garde de l’insurrection avait ainsi cédé aux forces supérieures envoyées pour la combattre et fait un premier pas en arrière. Cependant l’empereur attendait un résultat plus complet des mesures qu’il avait prises pour l’éloigner de sa capitale. Il apprit bientôt après qu’elle s’était arrêtée dans son mouvement de retraite, et que, pénétrant dans le Chan-tong, elle y avait occupé deux places importantes, Kao-tang et Lin-tsing-tchao.

Combattue victorieusement au nord sur quelques points de l’empire, l’insurrection tenait tête aux armées de Hienn-foung dans huit provinces. Exposer suivant l’ordre des dates, comme on l’a fait jusqu’ici, mois par mois, ou même année par année, les événemens qui s’y sont simultanément accomplis, ce serait imposer au lecteur la fatigue de relire sans cesse le récit de faits à peu près semblables. Au lieu de passer successivement d’une province à l’autre, nous ferons connaître sans interruption les principaux incidens militaires dont chacune des grandes divisions territoriales de l’empire a été le théâtre depuis le commencement de l’année 1854 jusqu’à la fin de 1860. Aussi bien, à partir du moment où les rebelles ont été rejetés hors du Tchi-li, les informations que l’on a pu trouver dans la Gazette de Pékin sont devenues plus rares et surtout plus confuses.

KOUEÏ-TCHEOU, YOU-NAN, SE-TCHOUEN. — A partir de 1854, la région sud-ouest de l’empire, que la contagion de la révolte n’avait pas encore atteinte, commence à s’agiter. Au mois de septembre, la province du Koueï-tchéou donne le signal, et l’on voit s’organiser successivement trois insurrections dans les districts montagneux de cette région, dont le sol est profondément divisé par de hautes chaînes où résident plusieurs tribus vassales. La première éclate au nord, dans le département de Tsou-ni, dont la capitale est prise d’assaut et pillée, étend ses ravages aux deux sous-préfectures de Sin-houa et de Toung-tzé, y concentre ses forces, et lutte avec avantage pendant plus d’un an contre les troupes envoyées pour la réduire ; puis, abandonnant ses premières conquêtes, elle franchit les frontières du Se-tchouen et déborde dans cette province, où elle occupe encore aujourd’hui plusieurs villes importantes.

La seconde insurrection prend naissance à l’ouest du Koueï-tchéou,