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L’INSURRECTION CHINOISE.

ai-je interdit à mon fils de m’ensevelir dans mes vêtemens de cérémonie, lorsque moi, votre esclave, j’aurai rendu le dernier soupir. » Quelques jours après, il était mort. L’empereur fut ému de ces touchans aveux ; il voulut qu’on honorât sa mémoire et fit donner une somme de 500 taëls à sa mère.

Un mémoire adressé à l’empereur au mois de juin 1851 par Saï-chang-ha, successeur de Li-sing-youen, nous apprend que la rébellion avait, à cette époque, coûté au gouvernement tartare 2 600 000 taëls, dont 1 million sortait du trésor impérial ; 1 million avait été pris sur les revenus généraux de l’empire, et 600 000 provenaient de la gabelle du Kiang-sou.

En confiant à Saï-chang-ha la direction de la guerre, l’empereur lui avait envoyé « une épée d’une forme particulière, destinée à frapper immédiatement tous les traîtres, » et lui avait donné l’ordre de poursuivre avec une grande activité les opérations militaires. Au mois de février 1854, le nouveau général en chef annonçait à son souverain en termes pompeux qu’il venait de remporter une éclatante victoire. Young-ngan, que les insurgés occupaient depuis longtemps, avait été repris à la suite d’une attaque très chaude. Il est vrai que deux généraux tartares et dix autres officiers supérieurs avaient été tués, mais trois mille rebelles étaient restés morts sur la place ; l’un de leurs principaux chefs, Hong-tai-tsiouen, avait été fait prisonnier, et l’armée de l’insurrection fuyait en désordre. Les événemens qui suivirent ce prétendu exploit des soldats de Hienn-foung semblèrent prouver que Saï-chang-ha s’était, dans son rapport, livré à des exagérations singulières, et que la ville de Young-ngan avait été bien plutôt évacuée à dessein par les insurgés dans des vues de conquête et de progrès que reprise d’assaut après une vive résistance. On voit en effet qu’à partir de ce moment la rébellion abandonne le Kouang-si, qu’elle a épuisé, et commence sa marche rapide et victorieuse vers le nord.

Pendant que les armes impériales combattaient l’insurrection dans le Kouang-si, les lois de l’empire sévissaient contre un de ses chefs avec la plus grande rigueur. Ce chef nommé Hong-tai-tsiouen, fait prisonnier à Young-ngan, avait été conduit à Pékin ; il y fut condamné à être coupé lentement en petits morceaux, et subit bientôt après cet horrible supplice. La relation de ses aveux, publiée par le journal officiel, a mis en lumière un point de l’histoire de l’insurrection qui était resté obscur jusque-là. Elle nous a fait connaître que les compagnons de Hong-tai-tsiouen, en lui déférant le commandement, lui avaient donné le titre de roi (ouang), ainsi que le nom de Tien-té (vertu céleste), qu’il avait conservé l’un et l’autre jusqu’au moment où il avait été fait prisonnier, et qu’il y avait parmi les insurgés un autre chef, son parent, nommé Hong-siou-tsiouen,