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jeter, après un cours de plus de quatre cents lieues, dans l’Atlantique, par une seule embouchure qu’obstrue une barre variable et toujours périlleuse.

C’est entre Bafoulabé et le confluent du Sénégal avec la Falémé que se trouve notre établissement le plus reculé. Il s’appelle Médine et s’élève près de l’endroit où le cours du fleuve est interrompu par les chutes de Félou. Sur la Falémé et près de cette rivière, les postes de Sénoudebou et de Keniéba nous ouvrent l’accès des régions aurifères de cette partie de l’Afrique ; puis s’échelonnent, de Médine à Saint-Louis, situé à l’extrême embouchure du fleuve, les stations de Bakel, Matam, Podor, Dagana et Richard-Toll. Enfin Lampsar et Merinaghen ont été récemment instituées dans le Oualo, pour contenir et protéger ce pays, qui vient d’être réuni à la France.

Des races très variées peuplent ce coin de l’Afrique. Le Sénégal forme la délimitation qui sépare le désert de la partie arrosée et fertile que l’on appelle le Soudan. De chaque côté de cette ligne de démarcation, la physionomie et les productions du sol ne sont plus les mêmes, et les peuples diffèrent également. Au nord, des représentons de la race blanche : Arabes et Berbers, confondus sous le nom commun de Maures ; leurs tribus nomades sillonnent le désert, qu’elles infestent de leurs brigandages. Au sud, cette population à peau rouge, aux traits réguliers, aux cheveux bouclés, mais non laineux, que l’on appelle Poul, Peul, Poula, Foulah, Foulan, Fellah, Fellani, Fellatah, Fellatin, et diverses populations noires parmi lesquelles les plus importantes sont les Ouolofs, sur les bords du fleuve inférieur, et les Malinkés, désignés à tort en Europe sous le nom de Mandingues, qui disputent aux envahissemens des Peuls les régions situées entre le Sénégal, la Falémé et la Gambie.

Aucune notion satisfaisante n’a pu encore être obtenue touchant l’origine de ces Peuls, dont la physionomie est si distincte de celle des noirs africains. Ils habitent l’Afrique depuis un temps considérable, sans que l’on sache quand et par quels chemins ils y sont venus. Longtemps paisibles pasteurs, ils se sont convertis, au commencement de ce siècle, à l’islamisme, et ils ont été pris alors de la passion des conquêtes et de la propagande religieuse. Ils se sont répandus le long du Sénégal et du Haut-Niger, jusque dans l’intérieur du Soudan, et toute la partie de l’Afrique qui s’étend entre nos possessions de Saint-Louis et le lac Tchad est le théâtre de leurs luttes, souvent heureuses, contre les nombreux états nègres répartis dans cet intervalle.

Les nègres de cette partie de l’Afrique, Ouolofs et Malinkés, diffèrent du type grossier des habitans du Congo et des régions plus centrales du continent africain. Ce sont des noirs de haute taille, vigoureux, aux cheveux crépus, dont les traits n’ont pas une épaisseur exagérée. Ils sont braves, volontiers guerriers, et quelques-unes de leurs tribus ont des aptitudes particulières pour le commerce. Les Ouolofs, nos voisins sur la rive gauche du Sénégal, sont les nègres les plus beaux et les plus grands de l’Afrique ; ils ont les cheveux crépus et les traits souvent agréables. Ils sont doux et braves, mais peu actifs et imprévoyans. La sobriété a été une de leurs vertus, tant qu’ils n’ont pas été en contact avec les Européens ; aujourd’hui ils s’abrutissent dans l’ivresse. Plusieurs des états qu’ils ont formés ont été ravagés et presque dépeuplés par leurs voisins. Maures et Peuls se jetaient