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indécises au commencement du XIXe siècle. Depuis longtemps, il est vrai, on avait une idée vague de ce que nous nommons aujourd’hui l’affinité, c’est-à-dire de la force qui règle les combinaisons des corps simples. Le premier savant qui formula cette notion avec quelque netteté fut Francis de Le Boë (Sylvius), qui naquit en 1614 et exerça la médecine à Amsterdam avec un grand succès. Avant lui déjà, on distinguait des corps acides et des alcalis ; mais Sylvius généralisa le sens de ces expressions pour y trouver les termes corrélatifs de toute combinaison chimique, et il les appliqua même aux fluides qui entrent dans la composition du corps humain. Il mit à la mode un jargon chimico-physiologique qui fit promptement fortune, et dont on retrouve encore la trace dans les comédies de Molière. La notion de l’acidité et de l’alcalinité impliquait celle d’une affinité naturelle de certains corps, rangés dans la catégorie des acides, pour d’autres corps, classés parmi les bases ou alcalis. On admettait d’une manière générale l’existence de ces attractions occultes ; mais il fallait comprendre également qu’elles ont quelque chose de spécifique, qu’elles varient en intensité d’une substance à l’autre, en un mot que les affinités sont électives. On trouve pour la première fois cette pensée exprimée avec force et avec précision dans une étude d’un chimiste français trop peu connu, Geoffroy, insérée dans les Mémoires de l’Académie des Sciences en 1718. Ce savant donna même une liste des corps, rangés suivant l’ordre d’affinité. Proust, au commencement du siècle, apporta un grand nombre de faits à l’appui des idées de Geoffroy ; mais ses théories furent combattues avec beaucoup de talent par Berthollet, qui ne regardait les composés chimiques que comme dès mélanges indéterminés. C’est aux chimistes anglais Dalton et Wollaston que la science doit d’être fixée définitivement sur un point aussi essentiel. On sait aujourd’hui, grâce à leurs beaux travaux, que lorsque deux corps simples s’unissent, ils se marient en proportions définies, c’est-à-dire que les élémens constituans se combinent en proportions qui, pour chacun des composés obtenus, demeurent invariables. On sait de plus que si deux élémens sont capables de former divers composés en se combinant suivant diverses proportions, le poids de l’un de ces élémens constituans étant supposé constant, les poids des seconds élémens ont entre eux des rapports simples et forment une sorte d’échelle qui reste la même, quelles que soient les substances qu’on fasse agir les unes sur les autres. Ces règles, en quelque sorte numériques, s’imposent à toutes les combinaisons matérielles. De ces deux lois fondamentales, loi des proportions définies, loi des proportions multiples, ressort naturellement l’idée de ce que l’on nomme l’équivalent, symbole