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toute épithète amère ou toute insinuation aigre-douce. Les prédicateurs, je le sais, font différemment et insistent volontiers en chaire sur l’appui que l’erreur et l’incrédulité trouvent ordinairement dans la complicité secrète des passions et de l’orgueil. Je ne prends assurément pas sur moi de dire que, dans la majorité des cas, ils n’aient pas de bonnes raisons pour penser ainsi, et d’ailleurs, ne désignant personne, ils ne peuvent blesser que ceux qui s’accusent eux-mêmes et se reconnaissent dans les généralités de leurs paroles ; mais dans une conversation directe ou dans une polémique ad hominem je n’ai jamais vu qu’à transformer ainsi une opinion ou une erreur en délit, on ait gagné autre chose que d’engager de plus en plus l’amour-propre à y persister, et les hommes étant beaucoup plus mobiles qu’ils ne sont humbles, il est plus aisé de les dissuader d’une idée que de les faire convenir d’une faute. La tolérance de Mme Swetchine consistait donc principalement à témoigner de l’estime à ses adversaires, ce qui est plus difficile souvent que de les aimer, surtout pour des croyans pleins de leur foi, qui s’exercent chaque jour à la charité, mais qui ont quelquefois besoin qu’on les rappelle au sentiment de la justice. De plus, dans ses rapports avec ceux qui ne pensaient pas entièrement comme elle, si elle pouvait trouver quelque point de contact entre leurs pensées et les siennes, c’était à cela qu’elle s’attachait beaucoup plus qu’au point de divergence ; c’était sur ce terrain neutre ou commun qu’elle leur offrait sa bienveillance. Elle s’appliquait à mettre en lumière dans leurs sentimens ce qui s’accordait avec sa conscience et dans ses propres convictions ce qui ne froissait pas leurs préjugés. C’est à ce genre de découvertes et de rapprochemens que lui servait surtout la connaissance raisonnée qu’elle avait acquise de toutes les faces de l’enseignement catholique, car, en creusant cette doctrine inépuisable, elle y avait retrouvé ce que la main divine y a déposé en germe et ce que l’histoire y a développé, — la satisfaction légitime de tous les besoins et de tous les sentimens divers de l’humanité. Dans une doctrine qui renferme en soi tout ensemble le principe de l’autorité par excellence et l’éclatante protestation de la liberté spirituelle, qui est fondée sur le principe de l’égalité absolue de tous les hommes, mais qui a su élever sur cette base la plus puissante hiérarchie que le monde ait vue, qui parle tour à tour aux sens, au cœur et à la raison, qui a inspiré les arts et éclairé la philosophie, où il y a place, à côté de la foi du charbonnier, pour la logique de saint Thomas, il faut avoir la main malheureuse ou maladroite pour ne trouver, parmi tant d’aspects divers et également nobles, aucun qui sourie à un honnête homme. À vrai dire, dans une société comme la nôtre, qui a vécu du catholicisme pendant tant de siècles, tout le monde est catholique par quelque côté, et chacun l’est plus qu’il